Une expérience enrichissante à tous points de vue pour les juniors de l'AFT en Inde
Fin 2017, début 2018, Gauthier Onclin, Louis Herman et Théo Vandeweghe ont passé quasiment un mois en Inde, où ils ont disputé trois tournois juniors, grade 2 et 3, qui ont permis aux deux premiers de gagner une centaine de places au ranking mondial et d'accéder au Top 100 junior alors qu'il leur reste encore une saison dans la catégorie après celle qui vient de commencer. Le Liégeois a remporté le deuxième rendez-vous de la série, le grade 2 de New Dehli, et le Luxembourgeois lui a répondu du tac au tac lors de la troisième étape, comme quoi la rivalité et l'émulation bien comprises ont du bon. Ce genre de périple dans un monde si différent de celui dont ils ont l'habitude permet aussi de mieux se connaître et ne peut qu'ouvrir l'esprit sur d'autres plans que purement tennistiques. "Si tu ne te prends pas une grande claque dans la figure en voyant comment la grande majorité des gens vivent là-bas c'est à désespérer de l'humanité", résume leur coach Réginald Willems qui, relayé sur le dernier tiers du voyage par Olivier Davin, les a "drivés" de Chandigarh à Calcutta. Il nous a livré ses impressions.
Q. Réginald, qu'est-ce qui vous a incité à choisir un pays comme l'Inde pour entamer la saison ?
R. L'occasion se présentait de disputer trois tournois d'affilée de bon niveau, dont deux grades 2. Cela aurait pu être l'Amérique du sud aussi, mais là il n'y avait que deux rendez-vous possibles. Qui plus est, en Inde, une des organisations correspondait aux vacances scolaires, comme ça les garçons pouvaient jouer beaucoup de matches et ne perdaient que deux semaines d'école. Je pense qu'on peut dire que l'objectif poursuivi lorsqu'on a planifié le déplacement a été atteint pour une grande part.
Q. Le contraste avec la vie en Belgique n'est pas mince.
R. Il est saisissant. Quand les pros jouent à Chennai, ils sont dans un cocon luxueux, un monde parallèle par rapport à la vie locale. Là, le budget n'est pas extensible, on doit loger dans de petits hôtels, il faut faire attention à l'hygiène, cibler les restaurants pour être (à peu près) sûr de ce que l'on mange, on est loin du confort optimal, on n'a pas eu d'eau chaude pendant deux semaines par exemple, mais ce n'est pas exécrable non plus. Quand on sort dans la rue et qu'on voit la saleté, les gens qui dorment par terre, on relativise, je le leur avais dit... pas question de se plaindre des conditions.
Q. Sportivement, tout était correct ?
R. Certainement. Nos gars vivent déjà ensemble à Mons, mais se côtoyer ainsi durant un mois en compétition, dans un environnement qui leur est totalement étranger, peut les aider à comprendre la chance qu'ils ont et tout l'intérêt qu'ils ont à se tirer mutuellement vers le haut. Je l'espère d'autant plus que Louis et Gauthier, outre leur titre en simple, ont fait carton plein en double, remportant les trois tournois, ils ont donc pu mieux mesurer ce qu'ils sont capables de faire ensemble. Il reste beaucoup de travail, mais qui sait s'ils ne sont pas occupés à poser les bases d'une future paire performante, pourquoi pas un jour en Coupe Davis. Cela s'est malheureusement un peu moins bien passé pour Théo (Vandeweghe), qui a connu une adaptation plus difficile, je dois dire qu'on attendait mieux, il lui faut réagir, éviter de se laisser aller ou enfoncer.
Q. Gauthier et Louis ont encore 16 ans, bientôt 17, ils ont été vice-champions d'Europe avec l'équipe belge l'an dernier, vous les situez comment par rapport à ceux qui les ont précédés ?
R. Ils sont dans la norme. Qu'il s'agisse de David Goffin et d'Elise Mertens à leur âge, ou d'autres qui n'ont pas aussi bien réussi par la suite. Autrement dit, ce qu'ils en feront dépend d'eux. Je n'aime pas comparer, mais ils ne sont pas en retard. Ce sont de bons 2001 (leur année de naissance), pas les meilleurs du monde, mais il y a certainement matière à aller voir plus haut. Justine et Kim ont été détectées de suite comme des talents d'exception auxquels ceux qui suivaient ne pouvaient se comparer. Ici, nos gars ont l'avantage d'avoir devant eux des exemples qui, à force de travail, sont arrivés à faire émerger au grand jour, autour de 21 ans, un potentiel dont on a pu longtemps douter même dans les sphères fédérales, ce doit être une ligne de carrière à suivre, une inspiration, une motivation à toujours vouloir faire plus, et ce qui ne gâte rien la preuve vivante que l'humilité n'exclut pas les plus hautes ambitions.
Q. Quels sont les chantiers essentiels les concernant ?
R. A leur âge, ils sont évidemment nombreux, il y a des aspects vitaux à travailler, vous l'imaginez. Gauthier peut être tennistiquement très intéressant, il est capable de très bien jouer, d'être très explosif, de faire le point de n'importe quel coin du terrain, mais il peut passer par tous les états d'âme sur le court, par des pics d'émotion qui peuvent le détruire et qu'il doit canaliser, il faut aussi qu'il prenne plus de plaisir dans la rigueur et le travail, pour réussir au top niveau il faut non seulement souffrir mais aimer ça. Louis est assez régulier, gaucher avec un bon coup droit il doit devenir plus percutant, venir plus au filet même s'il se sent mieux du fond, éviter de se laisser entraîner dans des filières trop longues. Là aussi, il peut s'inspirer de la manière dont David a progressé en la matière et du "plus" que cela a représenté pour son tennis. Louis m'avait déçu au mois de novembre en Israël par un certain manque de combativité, de détermination, une tendance à se lamenter, j'ai donc trouvé d'autant plus encourageante la façon dont il s'est extériorisé sur les courts indiens. Il a fait deux fois quart de finale et gagné le dernier tournoi, Gauthier a montré la voie en s'imposant à New Delhi, pour le reste il a perdu un peu vite au 1e et 2e tour. Il leur reste cinq tournois, un en Russie, trois en France, un en Ouzbekistan, pour essayer d'être au rendez-vous de Roland Garros dès cette année. Mais, attention, ce seront des compétitions très relevées, il n'y aura aucun premier tour facile comme c'est parfois le cas.
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