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Raphaël Collignon 98e mondial : "Je me suis senti libéré d'un poids"

Raphaël Collignon n'avait pas gagné un match en un mois et demi, lui qui s'était rapproché du Top 100 ATP fin 2024. Après un premier tour difficile, il a remporté le Challenger 125 de Pau. Notre pays compte aujourd'hui un troisième Belge parmi les cent meilleurs tennismen mondiaux. Lauréat dans le Béarn, le Liégeois est même le 26e joueur mondial des 23 ans et moins. On savait qu'il en avait les moyens, il l'a fait.
 

Pour la première fois depuis octobre 2017, trois joueurs belges figurent dans le Top 100 mondial. Raphaël Collignon, qui vient d'avoir 23 ans, a en effet rejoint dimanche Zizou Bergs (ATP 56) et David Goffin (ATP 63) parmi les cent tennismen les mieux classés de la planète. Il pointe aujourd'hui 98e au ranking ATP, avec d'intéressantes perspectives de tableau final en Grand Chelem, et pas trop de points à défendre, au moins jusqu'à Roland Garros et Wimbledon. Il est aussi 26e mondial dans un classement ne prenant en compte que les joueurs de 23 ans et moins.
 
Cette belle promotion, qui s'apparente à un rêve de gosse ("je travaille pour ça depuis tout petit"), il la doit donc à une semaine dans le Béarn toute à l'inverse de son début d'année défrisant. En s'imposant à Pau, il a enlevé le troisième trophée de sa carrière en tournoi Challenger et gagné 24 places au classement mondial. Il a surtout mis fin à une "série noire" qui lui pesait sur le moral depuis le début de l'année, après une saison 2024 terminée en fanfare. 
 
Lundi matin, nous avons pu faire le point avec Raphaël Collignon alors qu'il ralliait Lugano - où il joue mercredi - via Toulouse (en train dimanche soir) et Milan (en avion, puis en train lundi), c'est cela aussi une vie de tennis.
 
Q. Félicitations Raphaël, c'est décidément particulier le tennis, en une semaine on peut passer du noir au blanc, vous vous y attendiez ?
 
R. Pas du tout. J'arrivais sans victoire, je me posais beaucoup de questions, je n'avais pas de confiance, je ne sentais pas mes coups. J'ai eu un peu de réussite quand Maxime Cressy, que je devais rencontrer, s'est retiré. Jouer contre quelqu'un qui fait service/volée et ne donne pas de rythme cela aurait peut-être été plus compliqué. Là, j'ai affronté un gars qui était à ma portée, je n'ai pas bien joué, mais j'ai gagné, et je savais qu'une victoire pouvait me relancer. Je me suis senti libéré d'un poids et j'ai vraiment joué de mieux en mieux au long de la semaine. J'ai été super solide, je n'ai pas beaucoup raté, j'ai fait le jeu quand il le fallait, et j'ai plutôt très bien servi.
 
Q. Steve Darcis n'était pas sur place, il vous a suivi à distance ?
 
R. Steve ne pouvait être là, il avait d'autres obligations en Belgique, j'ai dès lors proposé à mon kiné personnel, qui est d'abord mon ami, de m'accompagner, on a bien bossé, avec deux heures de soins tous les jours, ça aide quand on joue simple et double. Steve m'a envoyé des messages tous les jours, il m'a aidé à préparer les matches. Il prend des notes dans un carnet sur tous les joueurs que j'affronte ou qu'il voit jouer, avec ce que l'on peut exploiter, points forts, points faibles. Après la finale, il m'a juste dit qu'il était super content pour moi, et très fier. Le debriefing en détail ce sera pour Lugano, où il m'attend avec Gauthier (Onclin) qui y joue dès ce mardi contre Borna Coric. 
 
Q. Vous voilà donc Top 100... ?
 
R. Je ne vais pas vous mentir, quand je me dis que je suis Top 100 cela me remplit de fierté, mais je sais que ce n'est pas une fin en soi, que ce n'est pas là où j'ai envie d'être, que ce n'est qu'une étape, que le plus dur sera d'y rester, de s'y installer, et que je dois continuer à faire évoluer mon jeu, à prendre de l'expérience dans des tournois plus relevés. C'est vrai que c'est un peu le même principe qu'en début d'année, où j'ai peut-être pensé que cela irait plus facilement après être bien monté au classement l'an passé. Comme je l'ai reconnu, je me suis un peu moins mis dans le dur. J'en tire les leçons. Réagir comme je viens de le faire et atteindre un tel classement donne en tout cas de la motivation à travailler encore plus, à ne pas refaire les mêmes erreurs. Je suis conscient que quand je joue bien une semaine la suivante est généralement compliquée, je dois donc aussi hausser mon niveau de vigilance. J'ai en tout cas appris une chose, ce n'est pas parce que l'on perd quatre fois d'affilée au premier tour, en s'interrogeant sur soi-même et sur son jeu comme je l'ai fait, que l'on ne peut pas gagner un tournoi derrière, tout peut changer très vite, il vaut donc mieux essayer de rester serein, travailler, et ne pas tout remettre en question.
 
Q. Vous avez toujours mis un certain temps à vous adapter à chaque échelon, 15.000 dollars, 25.000, Challenger, faut-il s'attendre au même genre de palier à franchir en ATP 250 ?
 
R. Je ne sais pas, et je n'espère pas, il n'y a pas de règle. C'est sûr que quand on regarde ma progression à chaque étape j'ai chaque fois mis un peu de temps à m'y faire, à prendre mes marques, à me sentir "légitime" entre guillemets. Après, être Top 100 à 23 ans ce n'est pas si mal non plus. Je suis convaincu que les expériences dans les 250 d'Anvers et de Marseille m'ont quand même aidé, même si j'ai été éliminé au premier tour sans faire de bons matches. A Marseille, je ne pensais pas avoir hérité d'un mauvais tirage avec Hamad Medjedović que j'avais battu deux mois plus tôt, mais il est allé jusqu'en finale. Or, quand on regarde la partie, je n'ai pas vraiment fait ce qu'il fallait et pourtant j'ai eu pas mal d'occasions. Je ne vois donc pas pourquoi il n'y aurait pas la place contre des joueurs de ce niveau. Lors de gros Challengers comme celui de Pau, dans une salle de 8.000 places, on s'habitue aussi aux conditions des tournois ATP.
 
Q. Quid du stress lors d'une finale avec un tel enjeu, dans laquelle, en plus, le public palois a curieusement pris fait et cause pour votre adversaire allemand ?
 
R. On est forcément stressé quand on a une opportunité en or de monter Top 100. Patrick Zahraj a joué le tournoi de sa vie en sortant des qualifications et en éliminant des têtes de série, mais il était 450e mondial et c'était donc un tour jouable. De plus, j'ai l'expérience de ces matches là alors que c'était sa première finale. Je lui ai mis la pression d'entrée, comme je l'avais fait dans les matches précédents. J'ai seulement connu un petit coup de fatigue, une baisse d'intensité, au milieu du deuxième set où il a pris mon service, mais j'ai su remettre un peu de jus pour finir le match en boulet de canon (6-2, 6-4). C'est là aussi que j'ai progressé. Avant lorsque je me faisais breaker en milieu de set je pouvais être frustré, rester sur ce jeu et me retrouver mené 5-2, alors que là je suis arrivé à me refocaliser directement. J'avoue que je suis fier de moi (sourire). Surtout que le public avait effectivement pris le parti du moins bien classé, de l'outsider passé par les qualifs, dont la presse locale avait révélé en plus qu'il a été victime à 15 ans d'une mononucléose sévère et qu'il gère un diabète de type 1. On peut comprendre.
 
Q. Vous avez perdu la finale du double avec Alexander Blockx de justesse, 8/10 au super tie-break, face à la paire allemande Wallner/Schnaitter tête de série numéro 1. A Lugano, vous rejouez cette semaine avec Gauthier Onclin. L'expérience avec le jeune Anversois sera-t-elle reconduite à l'occasion ?
 
R. On ne va pas continuer toutes les semaines, mais quand ça se mettra je suis sûr qu'on le fera encore, intelligemment. Au départ, je n'étais pas trop partisan, je pensais toujours à me préserver un maximum pour le simple. Mais finalement jouer le double dans un tournoi c'est parfois bien aussi, surtout en début de semaine, et cela permet de travailler plein de choses, le retour, le service, la volée, tout en s'amusant. Avec Alex, on s'entend bien et on joue très bien ensemble, on est complémentaires, on a battu de bonnes paires, on a même failli gagner le tournoi. Nous ne sommes pas encore des cracks de la discipline (sourire), il faut avoir joué plus pour dire ça, mais c'est une belle expérience, qui peut toujours servir à l'avenir. On y a pris beaucoup de plaisir. 
 
 

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