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Maryna Zanevska dans le Top 100 un an après avoir failli arrêter sa carrière

On ne dira pas que le tennis belge se trouve dans la plus performante période de son histoire. Reste que, pour un petit pays comme le nôtre, compter quatre joueuses dans le top 100 WTA (Mertens, Van Uytvanck, Minnen, Zanevska) en cette fin d'année n'est pas non plus peu de choses. La dernière en date, Maryna Zanevska, 81e mondiale, a même failli jeter l'éponge l'an dernier, elle a préféré se remettre en question et elle a eu raison.

Des bougies pour se vider la tête

Elle fait partie de ces filles dont on sait de suite, en la regardant jouer, qu'elle a dans la raquette le tennis pour briguer le Top 100 mondial... mais qui, à force d'en être obsédée, n'y arrive pas. Maryna Zanevska, native d'Odessa comme Elena Svitolina et qui, à l'image de l'épouse de Gaël Monfils, a débarqué en Belgique à l'académie Justine Henin, s'est retrouvée à la croisée des chemins lors du premier confinement, bloquée aux alentours de la 250e place mondiale, à 28 ans, la tête bourrée de points d'interrogation. "Depuis vingt ans, mon existence n'avait été que tennis", dit-elle, "et je me retrouvais là, sans argent, sans sponsors, blessée et malheureuse sur le court, avec du temps pour réfléchir et ce sentiment que la vraie vie, cela ne pouvait pas être que ça. Je me suis posée plein de questions, je suis même retournée en Ukraine dans ma famille parce que je n'arrivais plus à payer mes factures. C'était stop ou encore mais différemment. Je me suis lancée sur d'autres pistes pour me vider la tête, comme une formation en digital marketing, ou la mise en oeuvre d'un petit business de bougies sur internet ("savage love candles", ndlr) pour le plaisir de voir ce dont j'étais capable, et cela a étonnamment bien fonctionné - pour la plupart ses produits sont en rupture de stock, ndlr. Je me suis occupée de tout moi-même, de la réalisation de l'objet à l'envoi au client, donc quand je joue autant que cette année, il est difficile de suivre, mais cette période à la fois critique et bénéfique m'a permis de me reprendre en mains tout en réalisant que je pouvais faire autre chose."

170 places gagnées en six mois

Maryna est donc finalement revenue sur le circuit, pour jouer encore une fois le coup à fond. Bien lui en a pris puisqu'elle a gagné la bagatelle de 170 places au ranking mondial depuis le mois de juin, remportant un 25.000 dollars en Slovénie, un WTA 250 en Pologne, un 80.000 dollars en Espagne, disputant aussi deux demi-finales en WTA 250 à Lausanne et 150 à Karlsruhe, pour pointer pour la première fois dans le Top 100, 81e mondiale, avant le tournoi d'Angers qu'elle dispute à partir de ce lundi après un début de préparation hivernale de trois semaines. Comment expliquer un tel revirement chez une joueuse que l'on a vue si souvent plier sous le poids émotionnel lors de moments décisifs dans des matches qu'elle avait tout en mains pour gagner ? "En plus de travailler son tennis, et notamment son service, on a essayé de lui faire prendre plus de recul, de la détacher autant que possible du pur résultat", dit son coach Geoffroy Vereerstraeten qui la connaît et croit en elle depuis dix ans. "Je suis conscient que ce ne sont que des mots, quasi des clichés que tout le monde utilise, c'est facile à dire mais difficile au quotidien. Elle craquera sans doute encore, comme à l'US Open fin août après avoir gagné en Pologne. C'est encore loin d'être parfait, mais elle a (et s'est) prouvé quelque chose cette année. Je sais qu'elle a déjà 28 ans, mais certain(e)s mettent plus de temps que d'autres." "C'est avant tout une question d'état d'esprit, d'équilibre de vie, et j'ai été bien aidée mentalement" souligne la joueuse. "Déjà, mon copain allemand avec lequel je vis à Bruxelles et qui n'a rien à voir avec le tennis, ne voulait pas me voir arrêter dans ces conditions, mais j'ai également vu une psychologue, pas seulement du sport, pour mieux vivre, être moins stressée et accepter plus facilement le fait que perdre un match de tennis n'est pas un drame."  

"Pas de limites"

Bien sûr, le grand cirque n'arrête jamais, et si Maryna a concrétisé un rêve en cette fin d'année, d'autres challenges et expériences l'attendent désormais. Elle va devoir défendre les points glanés en 2021 et affronter de meilleures joueuses dans de plus grands tournois. Si on fait le bilan de l'année, elle n'a finalement battu qu'une fille du Top 100 (la Suissesse Jil Teichmann, 56e mondiale, à Lausanne), il faut dire qu'elle n'en a affronté que deux, perdant en deux sets serrés, toujours à Lausanne, contre la demi-finaliste de Roland Garros Tamara Zidansek. "Sportivement, j'ai toujours eu envie d'affronter les meilleures du monde. Je n'ai pas l'intention de m'arrêter là", dit-elle. "Et elle a tout ce qu'il faut pour ça", enchaine son coach, "son registre est assez complet et son coup droit phénoménal. Ce serait déjà bien pour elle d'être tableau final dans les quatre Grands Chelems comme son classement actuel l'autorise. Sportivement et financièrement, cela change la donne, mais, au fond, si elle a suffisamment confiance et qu'elle arrive à exprimer tout son tennis, je ne lui fixe pas de limites. Depuis l'époque où j'ai commencé à m'en occuper avec Philippe Dehaes, je sais ce qu'elle vaut. C'est dans la tête qu'il fallait un déclic. C'est une bosseuse, elle a essayé beaucoup de choses, je l'ai récupérée (au Roseau, à Bruxelles, où elle s'entraîne, ndlr) après une année à Barcelone où ils avaient voulu la faire jouer "à l'espagnole", ce qui ne lui correspondait pas du tout. On est revenu aux bases, on s'est attaqué à l'émotionnel, mais, avant tout, la différence est venue d'elle.

"Un honneur et un privilège"

Maryna n'a assuré sa place dans le Top 100, et donc au prochain Open d'Australie, qu'à la fin octobre en remportant le 80.000 dollars espagnol évoqué plus haut (qui lui a rapporté 130 points et 22 places au ranking) le week-end précédant la (financièrement rentable) phase finale de la Billie Jean King Cup pour laquelle elle aurait pu être sélectionnée puisqu'elle a obtenu la nationalité belge en septembre 2016. "J'en avais discuté avec Johan Van Herck, on s'était mis d'accord", dit-elle, "je considère comme un honneur et un privilège de défendre les couleurs de la Belgique, ma terre d'adoption pour laquelle j'ai eu le coup de coeur, où j'ai des amis pour la vie, et que je respecte énormément, même si ce n'est pas du sang belge qui coule dans mes veines", dit-elle doucement, avec son délicieux accent. "Si le capitaine avait insisté et qu'il avait eu vraiment besoin que je joue là-bas j'y serais allée, mais j'avais aussi souffert des adducteurs auparavant et je ne m'étais pratiquement pas entraînée. Je ne m'attendais sincèrement pas à pouvoir jouer et gagner cinq matches d'affilée comme je l'ai fait en Espagne." 
 

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