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Avec Didier Jacquet et Patrick Meur, Ysaline Bonaventure recule pour mieux sauter

Ysaline Bonaventure, première joueuse francophone au classement WTA, a décidé d'arrêter là sa saison. 118e mondiale, elle va du coup perdre une quarantaine de places au terme de l'exercice 2018 alors qu'elle a atteint cette année son meilleur classement (elle était 183e fin 2017). Pourquoi une telle décision, d'autant qu'elle n'est pas motivée par une quelconque blessure et que la Stavelotaine n'est pas si éloignée de son objectif de départ, et de toujours, le Top 100 ? Elle résulte d'une prise de conscience : à 24 ans, elle s'est elle-même rendue compte, notamment en se frottant aux tournois plus importants, qu'elle n'y parviendrait pas sans une meilleure assise physique, d'où la plus longue période de préparation hivernale désormais programmée. Avec de "vieilles" (et compétentes) connaissances comme le coach liégeois Didier Jacquet et le préparateur physique namurois Patrick Meur, ce sera son premier objectif des prochaines semaines. Bonne nouvelle. Qui vient à l'heure. Il n'est évidemment pas trop tard pour Ysaline, même s'il commence à être temps.
 

"Cette fois, c'est ma décision"

Les connaisseurs du milieu tennistique n'ont jamais nié le potentiel d'Ysaline Bonaventure. On se souvient du sms d'un coach en vue sur le circuit la concernant : "Top 100 pour le tennis... mais le physique !" Certes, la morphologie et le métabolisme naturels d'Ysa en feront toujours quelqu'un de solide, de costaud, plutôt que fin et élancé, sa puissance est un atout sur les courts, en coup droit, au service, mais on a aussi souvent évoqué un problème de surpoids à son sujet, pas facile à accepter pour elle, mais le tennis c'est aussi vitesse, explosivité, et pour la première fois le constat est venu de la joueuse elle-même en cette fin de saison. Elle en a parlé ouvertement, y compris dans les médias. C'est une fille intelligente, avec un gros caractère qui ne lui a pas joué que de bon tours. On se souvient qu'il y a deux ans, à la même époque, alors qu'elle était blessée au poignet, elle avait déjà travaillé dur pendant plusieurs semaines à Mons avec Fabien Bertrand. Mais si elle a gagné depuis une centaine de places au classement, on ne peut dire que la métamorphose ait été tout-à-fait à la hauteur de l'attente. "La différence, c'est que cette fois ce ne sont pas les autres qui sont derrière la démarche, c'est mon initiative, mon projet", explique-t-elle décidée. "A Vancouver, au mois d'août, je me suis retrouvée dans une situation qui ne me plaisait pas, j'ai pris un peu de recul durant quelques semaines pour réfléchir à ce que je voulais vraiment, et bien que j'aie atteint cette année mon meilleur ranking j'ai fini par prendre moi-même conscience que si je ne faisais pas en sorte d'être un peu plus "fit" physiquement je resterais 120e toute ma vie. Jusque là, je n'en étais pas intimement persuadée, même si on me parle de ça depuis toujours, je faisais ce qui me plaisait, et j'avais le sentiment de progresser, je ne me rendais pas compte, j'avais l'impression qu'on m'obligeait, que je ne pouvais rien faire, rien manger, je grignotais en cachette. Au niveau émotionnel se retrouver seule durant trois semaines dans une chambre d'hôtel, loin de chez soi, parfois dans des endroits improbables, avec la vie de tous les jours et les défaites, n'incite pas non plus à un strict respect de la diététique."

"Merci à Fayenbois"

Ce n'est pas la première fois que l'on espère voir la carrière de la Stavelotaine "décoller", mais cela fait en tout cas plaisir de l'entendre discourir ainsi. On parle quand même d'une fille qui n'a pas hésité à s'exiler toute jeune en Hollande pour vivre sa passion tennistique dans l'académie de Noëlle Van Lottum. L'aventure d'une dizaine d'années a beaucoup compté - et lorsque le "divorce" fut consommé avec Noëlle c'est même le mari de l'ex-joueuse néerlandaise qui a pris le relais - mais elle n'a finalement pas débouché sur les résultats escomptés. Ysaline s'est ainsi progressivement rapprochée de l'AFT, et un peu plus encore tout dernièrement, après avoir mis fin à une brève collaboration avec Maxime Braeckman, en optant pour une structure conduite par le formateur fédéral Didier Jacquet, directeur sportif du club auquel elle est toujours affiliée, Fayenbois, et en s'adjoignant les services de Patrick Meur, l'ancien préparateur physique du centre de formation de Mons. "Je n'ai rien à reprocher à Maxime Braeckman, qui a notamment accompagné Xavier Malisse et Kirsten Flipkens, c'est quelqu'un de gentil et de compétent sur le terrain, mais plus un "sparring" qu'un coach", dit Ysaline. "J'ai compris qu'une relation genre copain-copain n'était pas ce qu'il me fallait, que j'ai aussi besoin que l'on me dise mes quatre vérités... et que je puisse les accepter." D'où le retour de l'expérimenté Didier Jacquet, avec lequel elle s'est déjà entraînée alors qu'elle avait 15 ou 16 ans quand elle n'était pas en Hollande. "L'important, la nouveauté, c'est en effet que la décision vient d'elle", assure le coach, "elle ne voyait pas pourquoi elle devait perdre du poids, mais là elle s'en rend compte, elle le dit, s'investit personnellement, elle cherchait une structure pro dans un contexte de proximité, on en a parlé avec les responsables fédéraux, et je dois remercier le club de Fayenbois d'avoir permis que cela devienne possible. Ysa doit d'abord se sentir bien dans sa peau physiquement, c'est la première grosse partie du boulot. En arrêtant sa saison, elle va perdre des places mais conserver l'accès aux mêmes tournois. Elle reprendra en Australie, lors des qualifications d'Auckland puis de l'Open d'Australie, je serai à ses côtés, et même si ce n'est pas productif d'entrée il faudra rester convaincu que la constance dans le travail finit par payer, tôt ou tard."  

"Un beau défi"

A son niveau de classement, Ysaline Bonaventure n'a évidemment pas les moyens de se payer un encadrement comme les meilleures joueuses WTA. Didier Jacquet l'accompagnera sur le circuit durant douze semaines, Patrick Meur pendant cinq, "il y aura aussi mon sparring, mon père, ma mère, mon copain à l'occasion", précise-t-elle. La surprise, c'est évidemment de retrouver sur le pont ce vieux timonier de Patrick Meur, pensionné fédéral émérite. "J'avais réussi à tourner la page tout en m'occupant encore de quelques jeunes", explique-t-il, "je suis retraité et je dois faire attention à ma santé, mais j'ai toujours apprécié Ysa et son sale caractère (sourire), je lui trouve un potentiel de dingue. Je suis hyper motivé, si elle est décidée à réaliser les efforts dans le domaine physique, ça peut le faire, mais ce n'est pas une garantie, c'est elle qui a les cartes en mains, le temps passé avec moi ne suffira pas, il faudra qu'elle bosse aussi de son côté, c'est à elle de faire preuve de rigueur, d'autodiscipline dans l'hygiène de vie, surtout compte tenu de son morphotype, on ne peut pas vérifier ce qu'elle a dans son assiette, si vous avez un bolide trop lourdement chargé il roulera moins vite et consommera plus. En tout cas, je suis prêt à m'investir à fond à la mesure de mes moyens et dans la situation qui est la mienne aujourd'hui, c'est un beau défi."
 

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