Steve Darcis après un an sans compétition : "Je suis agréablement surpris"
Steve Darcis a quitté le tournoi Challenger de Pau, samedi dernier, sur un abandon pour blessure. Plus de peur que de mal, néanmoins. A près de 35 ans (il les aura le 13 mars), il doit plus que jamais savoir ménager sa monture. 181 points ATP gagnés en deux mois, 250e mondial, après être resté un an sans jouer : "Je suis agréablement surpris", conclut-il.
Sur sa valeur, il semblait en mesure de remporter le tournoi Challenger de Pau la semaine dernière. Mais en quart de finale, lors de son match gagné contre le Français Quentin Halys, Steve Darcis a ressenti quelques douleurs, notamment du côté des abdos, il a quand même décidé de disputer la demi-finale contre Norbert Gombos, que, même diminué surtout au service, il est parvenu à accrocher 4-6 au premier set, avant de jeter l'éponge au début du deuxième. "Dommage, je me sentais capable d'aller au bout du tournoi. Je suis allé voir le Dr Joris en rentrant, il ne s'agit que d'une surcharge à cause de l'accumulation des matches", dit le Liégeois. "Avec la réforme complètement ridicule instaurée par la fédération internationale, si vous abordez un Challenger via les qualifs et que vous atteignez la finale, vous avez sept matches à jouer en une semaine, autant que si vous disputiez un tableau final de Grand Chelem mais là sur quinze jours, c'est dingue, il n'y a même plus moyen de s'entraîner, et dans les premiers tours on ne gagne presque pas de points."
"Une petite voix à l'intérieur de moi..."
Dans ce genre de tournois, Steve a atteint une finale à Cherbourg et une demi-finale à Pau en trois semaines, mais c'est surtout lors de son retour à la compétition en Inde, à l'ATP 250 de Pune, début janvier qu'il avait marqué les esprits, en éliminant deux Top 100 avant de perdre en demi-finale contre Karlovic après avoir remporté le premier set au tie-break. Il y a gagné la moitié de ses points conquis cette année, accédant d'emblée à la 300e place mondiale, ce qui lui a facilité la tâche par la suite, sans quoi il aurait éprouvé des difficultés à entrer, sauf wild card ou utilisation de son classement protégé, même dans les plus petites organisations. "Je suis agréablement surpris", répète-t-il, "ces résultats démontrent qu'on n'a pas bossé comme des dingues pour rien en amont, j'arrive à enchaîner les matches là où je peux jouer, et j'en profite pour remercier les tournois français qui m'ont accordé une wild card d'habitude réservée aux joueurs nationaux". Comme dans sa situation (aucun point à défendre en 2019) il ne peut descendre au ranking, seulement monter, il n'a plus guère de problème d'accès aux tournois de ce niveau en tant que 250e mondial, alors qu'il n'a utilisé que quatre fois (sur douze) son classement protégé jusqu'ici. Mais le Top 100 se situe encore 400 points plus haut. Ce n'est pas rien. "J'essaie de jouer sans trop me poser trop de questions, mais une petite voix à l'intérieur de moi me dit que ce serait quand même chouette d'y arriver de nouveau cette année, ce qui est plus dur que de s'y maintenir soit dit en passant."
"La Coupe Davis ? Aucun regret"
Steve a prévu de reprendre l'entraînement lundi, et, tandis que les ténors du circuit seront en Masters 1000 aux Etats-Unis, il poursuivra pour sa part dans le registre des Challengers français, enchaînant Lille et Saint-Brieuc, avant de se préparer pour la saison sur terre battue qu'il abordera sans doute à l'ATP 250 de Marrakech. En passant, le Liégeois a aussi manqué le match de Coupe Davis au Brésil, on sait à quel point il était attaché à l'ancien format de l'épreuve, mais voir l'équipe belge réaliser le même genre d'exploit qu'il a pu lui-même forcer par le passé ne lui a-t-il pas donné des regrets ? "Je n'ai rien à regretter, pareil voyage, dans de telles conditions de jeu, en altitude, je ne m'en sentais pas capable, ni physiquement, ni mentalement", insiste-t-il. "Quant à ce que les gars ont réussi là-bas, c'est tout simplement exceptionnel, ils ont vraiment été très bons. Du coup, en novembre, le capitaine aura l'embarras du choix, mais c'est loin tout ça."
"Pourquoi empêcher les joueurs de jouer ?"
Nous avions largement exprimé ici notre scepticisme lors de la mise en place du "transition tour", fruit de trois ans de cogitation au sein de la fédération internationale (ITF). Il n'a pas fallu deux mois pour que la très discutable réforme provoque une vague de mécontentement dans les "divisions inférieures" du tennis à laquelle elle est destinée. Dans la grogne et la frustration, plusieurs pétitions ont déjà été lancées, de nombreuses voix se sont élevées contre le fait de réduire le nombre de joueuses et joueurs pros à 750, au lieu de respectivement 1.250 et 2.000, les témoignages des joueurs privés de perspectives d'avenir se multiplient, ils visent notamment l'absence de points ATP dans les tournois 15.000 ou 25.000 dollars et la réduction des plateaux de qualification dans ces mêmes tournois. Des poids lourds en termes d'"académies" comme Toni Nadal, Magnus Norman ou Patrick Mouratoglou leur emboîtent le pas, appelant l'ITF à revoir sa copie. Yannis Demeroutis, le coach de Steve Darcis, ne décolère pas lui non plus : "Pourquoi vouloir à tout prix empêcher des joueurs de jouer, est-ce la fonction d'une fédération sensée promouvoir notre sport ?", lance-t-il. "Changer pour être plus mal qu'avant ça rime à quoi, je trouve ça incompréhensible, scandaleux et aberrant, ce n'est pas eux de juger, c'est à chacun de décider quand il choisit d'arrêter le circuit international, c'est aussi un choix et une école de vie."
"Ce sera de plus en plus dur"
Yannis est intarissable sur le sujet. "C'était quoi l'objectif ? Limiter le nombre de pros ? Là, c'est réussi, mais à part les surdoués, de toute façon promis à réussir, à combien de bons joueurs en devenir va-t-on mettre des bâtons dans les roues, combien va-t-on en décourager ou perdre en route ? Mieux gagner sa vie à l'échelon inférieur ? Je ne vois pas en quoi. Si déjà on redistribuait un petit peu de la manne d'argent que rapportent les Grands Chelems dans les couches inférieures au niveau planétaire... Faciliter l'avènement des meilleurs juniors ? Leur offrir des places dans les tournois 15.000 dollars est intéressant, mais cela ne vaut que jusqu'à leur 19e anniversaire, et après ? Il y a intérêt à être performant de suite, quid de ceux qui se blessent ou des jeunes qui étudient et veulent devenir pros ensuite ? Avant on pouvait avoir jusqu'à 128 joueurs en qualifications de tournois 15.000 dollars, maintenant c'est limité à 24, il y a moins de places partout, y compris en Challenger, ce sera de plus en plus dur, voire pire encore, pour le genre de joueurs qui s'affirment sur le tard. Je me demande même si, dans les conditions actuelles, Steve aurait pu revenir comme il l'a fait lorsqu'il a dû être opéré de l'épaule et qu'il a recommencé par des tournois Future, sans wild card il n'aurait même pas pu y accéder. Personnellement, j'ai passé quelques années sur le circuit, sans monter haut dans le ranking, mais je ne serais pas l'entraîneur que je suis sans cette expérience qui serait impossible aujourd'hui, c'est valable aussi pour un Germain Gigounon qui est devenu coach de Yanina Wickmayer."
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