Marie Benoit: "ce sont les échanges, plus que les victoires, qui m'ont touchée"
Vendredi dernier, Marie Benoit a annoncé sur ses réseaux mettre fin à sa carrière professionnelle. Une bien jolie carrière qui l'a vue remporter 15 titres en simple et monter à la 188ème position mondiale. Ce lundi matin, elle revient sur cette carrière et sur cette décision.
Bonjour Marie, comment vous sentez-vous après cette annonce ? La décision a-t-elle été difficile à prendre ?
Oui, ce n’était pas une décision facile. Une certaine forme d’évidence s’est imposée progressivement, mais il m’a fallu du temps pour l’accepter. C’était un peu comme une rupture : il y a d’abord de l’incompréhension, du déni, puis vient l’acceptation. Ce processus m’a conduite à reconnaître qu’il était temps d’avancer, même si certaines choses allaient forcément me manquer. Lorsque je me projetais dans une nouvelle saison, cela me semblait tout simplement irréaliste.
Vous avez écrit sur Instagram que vous aviez accompli plus que ce que vous aviez imaginé. Est-ce vraiment le cas ?
Effectivement. Même si j’aurais espéré aller encore plus loin, au départ, je ne me projetais pas si haut. J’avais simplement pris une raquette pour le plaisir, sans ambition particulière. Le haut niveau n’était pas un rêve d’enfant. Avec du recul, je réalise que j’ai accompli bien plus que ce que j’aurais cru possible.
Aviez-vous un objectif précis, comme atteindre Roland Garros par exemple ?
Pas vraiment. Le rêve du haut niveau ne m’est venu que plus tard, lorsqu’on m’a repérée et que j’ai intégré le système fédéral. Ce n’était pas une ambition précoce. Je n’ai pas grandi avec l’obsession du palmarès ; ce sont les compétitions et les opportunités qui m’ont poussée à me fixer des objectifs.
Quels sont vos meilleurs souvenirs, au-delà des résultats ?
Ce sont surtout des souvenirs humains. Les liens tissés, notamment avec les familles d’accueil aux États-Unis, m’ont profondément marquée. Je me rappelle aussi de conversations empreintes de bienveillance et de générosité, de petits tournois, de voyages. Ce sont ces échanges qui m’ont le plus touchée, bien plus que les victoires.
Pensez-vous que l’on peut être heureuse en tant que joueuse professionnelle ?
Oui, mais tout dépend de l’état d’esprit. La compétition, surtout chez les femmes, peut parfois sembler contre nature. J’ai dû cultiver en moi un esprit compétitif qui n’était pas inné. Trouver un équilibre est essentiel, et cela dépend beaucoup de la personnalité, de l’entourage, du parcours.
Vous n’aimez pas être sous les projecteurs. Est-ce quelque chose que vous ressentez depuis l’enfance ?
Je suis quelqu’un de plutôt discret, je préfère les relations profondes aux interactions superficielles. Être exposée me mettait parfois mal à l’aise, car cela entraîne souvent des jugements. J’ai essayé de me protéger de cela, surtout étant jeune.
Savez-vous déjà ce que vous souhaitez faire après votre carrière ?
Je souhaite transmettre, notamment aux jeunes, peu importe leur niveau. Si je peux les aider à progresser, je le ferai avec plaisir. Je m’intéresse aussi beaucoup à la santé globale, à la nutrition et à la préparation physique. J’ai entamé une formation en nutrition et je veux continuer à apprendre pour combiner tout cela à mon expérience du tennis.
Étiez-vous consciente d’être l’une des meilleures joueuses francophones de l'histoire ?
Pas vraiment. Ce n’est qu’après coup, notamment à travers les messages que j’ai reçus, que j’ai compris que j’avais laissé une petite empreinte. Cela m’a profondément touchée.
Etes vous consciente qu'un tennis national ne peut exister sans des joueuses classées hors du top 100 ?
Oui, clairement. Tous les niveaux sont indispensables. Chaque joueuse, quel que soit son classement, mérite le même respect. Le tennis ne peut pas fonctionner uniquement avec une poignée d’élues.
Si une jeune joueuse venait vous demander conseil, que lui diriez-vous ?
Je l’encouragerais, tout en étant honnête sur les sacrifices à faire. Le plus important, selon moi, est que chacun aille au bout de ses propres limites, peu importe le niveau atteint. Le tennis est aussi une école de vie.
Le vrai tennis, est-ce celui du top 50 ou celui que vous avez vécu ?
Le top 50 représente une toute petite fraction du circuit, presque irréelle. La plupart des joueuses vivent un quotidien très différent, souvent plus difficile. Le « vrai » tennis, c’est peut-être celui de l’effort constant, des matchs accrochés, des conditions précaires. Chacune a son chemin, ses obstacles, son histoire.
Vous semblez très sereine aujourd’hui.
Je me sens apaisée, même si je sais que d’autres émotions reviendront. J’ai déjà franchi les phases les plus dures. Je suis dans une dynamique de transition, avec le regard tourné vers l’avenir.
Bravo pour votre carrière, Marie.
Merci beaucoup, vraiment.
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