Lourde déception pour David Goffin : "Mentalement il n'était pas là !"
Tout le monde était un peu hagard, k.o. debout, dimanche en début de soirée sur et autour du court Suzanne Lenglen, David Goffin lui-même, son entourage, les supporters qui avaient tout fait pour être là, et par extension la Belgique du tennis dans son ensemble. Quant aux autres, les étrangers, on les sentait pour le moins interloqués.
Personne ne s'attendait à un tel match de notre numéro un, que l'on n'a reconnu à aucun moment une fois le premier set abandonné (5-7) à l'Italien Marco Cecchinato (72e mondial mais qui a déjà virtuellement gagné 30 places en une semaine) sur des fautes directes auxquelles il ne nous a pas habitués (51 sur l'ensemble de la partie !). Ce que l'on a vu alors n'est que l'ombre du joueur qui a brillamment remis le tennis belge sur la carte du monde, même si on l'a cru relancé lorsqu'il est parvenu à empocher la deuxième manche 6-4 après avoir sauvé cinq balles de break en début de set. A l'inverse, c'est le moment où il a carrément sombré et s'est ramassé un 0-6 cuisant, quasi irréel, sans donner l'impression d'être encore dans le match. Lorsqu'il est parvenu à breaker l'Italien dans la quatrième manche (3-2) on s'est de nouveau surpris à y croire un peu, malgré un contexte que l'on qualifiera gentiment d'étrange, mais rien n'y a fait et David n'a plus pris un jeu (3-6), rentrant au vestiaire tête basse, tandis que Cecchinato ne pouvait croire à son rêve éveillé : c'est lui qui affrontera Djokovic mardi en quart de finale de Roland Garros alors qu'il n'avait encore jamais remporté un match en tableau final de Grand Chelem avant la fin mai.
"Vidé psychologiquement"
Evacuons le sujet d'emblée. L'Italien de 25 ans a beau "jouer le meilleur tennis de sa vie" Porte d'Auteuil selon ses propres termes, un Goffin simplement normal se serait retrouvé en quart de finale en trois sets sérieux, même si, durant cette semaine parisienne, il a eu du mal à tenir son meilleur niveau durant tout un match. Il s'agit donc d'une lourde déception au terme d'une prestation assez incompréhensible. Lorsqu'il s'est fait manipuler le coude par le kiné, on a craint que David se soit blessé et qu'il ait joué diminué. Avec l'honnêteté qu'on lui connaît, il a indiqué après coup qu'il n'en était rien. Le voir lâcher, abdiquer ainsi, après avoir sué sang et eau pour avoir raison de Gaël Monfils les deux derniers jours, a fait mal. "Je me sentais justement vidé psychologiquement", expliquait-il, "après avoir joué deux jours d'affilée, c'était dur, compliqué, les matches de Grand Chelem ça use, surtout sur terre battue en trois sets gagnants. Aujourd'hui, je n'avais pas l'énergie mentale pour imposer mon jeu, je pense que j'en ai laissé trop sur le court samedi, alors que Cecchinato a bien joué, il a été constant, ou j'allais trop vite sur le coup gagnant ou il me faisait courir, je n'étais jamais en bonne posture dans les échanges, il n'y avait pas la base comme d'habitude quand je tisse ma toile, je n'ai pas réussi à me booster, à passer au dessus, à me sentir bien. Mais je n'ai pas de douleur particulière, un petit peu au coude évidemment quand on force, qu'on n'utilise plus les jambes... j'ai appelé le kiné pour qu'il me relâche le bras. Je suis déçu, maintenant on va essayer de bosser là-dessus, pour pouvoir mieux enchaîner dans le futur, être plus frais mentalement, durer plus longtemps dans des tournois comme ça."
"Une gifle, émotionnellement"
Plus que la défaite, parce qu'on peut perdre un match quand on a tout donné, c'est l'attitude de David Goffin sur le court qui a interpellé, à commencer par son coach Thierry Van Cleemput. "Je ne peux pas la cautionner, il ne sert à rien de se mentir elle était très mauvaise, il n'était pas là mentalement, je n'en connais pas la raison, il n'avait pas l'énergie nécessaire pour développer son tennis, je n'avais pourtant ressenti aucun signe avant-coureur, il sortait d'un gros match et l'échauffement s'est déroulé normalement. Cela va nécessiter une réunion, une analyse de la situation pour voir ce qui s'est passé et ce qu'on doit faire. Au stade actuel des choses, je n'ai pas d'explication, je n'ai pas voulu en discuter avec lui à chaud, il était visiblement très très mal dans sa peau sur le court, comme enfermé, les yeux dans ses chaussures, sans un regard pour personne, pas même pour son amie, il ne s'est exprimé sur rien, il a intériorisé, à ce point cela m'a fort surpris. Mon rôle dans un moment pareil est d'abord d'être très professionnel et de le soutenir parce qu'emotionnellement c'est une gifle, il ne doit pas être bien. Mais ensuite on va devoir en discuter. Malgré tout le respect dû à l'Italien qui est un bon joueur, son jeu n'est pas en principe trop problématique pour David : à Rome, après un premier set où Dav' a eu un malaise alors qu'il menait 5-1, il lui a mis un double 6-2. Encore une fois, on ne va pas se mentir, il est 9e mondial, tête de série, il joue Cecchinato pour aller en quart de finale, c'est une déception. Maintenant comment va-t-on gérer ça pour la suite ? On verra quand on en aura parlé."
Quel bonus d'ici l'US Open ?
Si on ne peut évidemment parler de Roland Garros réussi quand on laisse passer une aussi belle occasion (la qualification aurait replacé Goffin dans le course au Masters), surtout de cette manière, un huitième de finale en Grand Chelem n'est pas non plus une performance négligeable. L'an dernier, David s'était arrêté un tour plus tôt la cheville en compote, sa position au classement mondial n'en pâtira donc pas, que du contraire. Mais il serait d'autant plus important d'utiliser ce qui s'est passé comme une forme d'électrochoc - David a-t-il encore un peu de mal à gérer la pression qui pèse sur un Top 10 ? - que les semaines et même les mois qui s'annoncent, sur le gazon et le hard court américain, doivent lui être profitables puisqu'il aura à peine 145 points à défendre d'ici fin août et le début de l'US Open. On ne voit pas de meilleur moyen de ranger immédiatement la désillusion parisienne au rayon pertes et profits.
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