Les clubs AFT déconfinés : "On a évité la catastrophe"
Pour les clubs AFT, les trois dernières semaines n'ont pas été simples. Il leur a fallu s'adapter deux fois aux nouvelles consignes sanitaires, mais parallèlement le fait de pouvoir rouvrir les courts, d'abord pour des simples en petit comité, puis dans le cadre élargi qu'attendaient notamment les écoles de tennis, leur a permis de revivre, d'"éviter la catastrophe" ou de "limiter les dégâts" selon les avis. Coups de sonde d'une région à l'autre.
Frontières
On le redit : le tennis a eu de la chance dans cette période où tant de secteurs, de disciplines, étaient ou sont toujours à l'arrêt, et c'est essentiellement à sa structure de jeu qu'il le doit. "Quand les deux protagonistes sont à 20 mètres l'un de l'autre et sont respectueux des règles comme c'est le cas chez nous il y a zéro risque, beaucoup moins en tout cas que dans un supermarché ou dans un parc le week-end sous le soleil", répète Olivier Zimmermann du club d'Eupen où un distributeur - en fait un grand frigo - permet aussi de se procurer une boisson à l'extérieur si on le désire. "Pas d'attroupements, on se sert, on laisse l'argent dans une caisse, et on s'en va, le secrétaire du club et moi veillons à ce que les mesures d'hygiène soient respectées", continue notre interlocuteur qui note aussi une spécificité régionale : "Le fait que les frontières soient fermées impacte nos vies, les Allemands sont à deux pas mais ils ne peuvent venir chez nous ni nous chez eux, et à Aix-la-Chapelle les cafés comme les restaurants sont ouverts." A Arlon, ce sont les Grand-Ducaux qui ne peuvent venir en Belgique sauf raison impérative. "Il y a des contrôles stricts, surtout sur l'autoroute, mais dans mon club je ne peux me substituer à la police en demandant la carte d'identité à tout le monde", sourit André Detaille de Garisart.
Un certain sourire
Dans l'ensemble, après avoir craint un moment le pire, la plupart des clubs de tennis francophones ont retrouvé un certain sourire vu le contexte. "On n'a pas trop peur", résume le Verviétois Gérard Médol du Lambermont. Lors de la reprise du 4 mai la plupart des courts de nos régions ont été envahis par des "morts de faim" de tous âges raquette à la main, il faut réserver, les terrains disponibles sont rares, même à la mi-journée. Un soleil de printemps quasi permanent les a certes encouragés, mais après plus d'un mois et demi de confinement il y avait clairement un manque de sport exacerbé à combler. Quinze jours plus tard, la frustration des "profs de tennis" s'est évacuée elle aussi, et on a pu adapter à notre sport les consignes générales de sécurité pour permettre de jouer également en double. En coulisses, le président André Stein et le nouveau secrétaire général Samuel Deflandre, notamment, ont connu des semaines et week-ends sous pression pour tenter de clarifier, en accord avec l'Adeps, ce qui ne l'était pas toujours et délivrer la communication adéquate, parfois en dernière minute. Il y a bien sûr de mauvaises langues - "on se sert volontiers de la fédé comme d'un "punching-ball", c'est comme ça" - mais, avec le recul, et selon les échos que nous avons recueillis, on peut penser que les choses ont été plutôt bien faites compte tenu des circonstances. Evidemment, il reste nombre de points d'interrogation - quand pourra-t-on rouvrir les cafétérias, les compétitions (interclubs, tournois) pourront-elles bien reprendre en août et dans quelles conditions, quid de la saison d'hiver ? - qui pèsent sur la gestion des clubs, mais on doit s'en accommoder, tout le monde navigue à vue, on n'y peut rien.
Plus de gens qui jouent
"On limite les dégâts", résume André Detaille, "avec un mois de plus sans jouer je ne sais où l'on se serait retrouvé. Chez nous, toutes les cotisations sont rentrées, et on sait que l'on va vivre comme partout une saison "marginale", en même temps on a peu de frais de fonctionnement, ce qui compte pour l'instant est de contenter nos membres, et de récupérer petit à petit le retard important pris au niveau des cours tout en restant dans les clous sur le plan de la sécurité. On verra pour la suite." Dans un des nombreux clubs de la commune d'Uccle - "celle qui compte le plus de terrains de tennis par habitant en Belgique" -, Tarek Francis, du Roseau, avoue avoir eu "plus que peur début mars et ne pas encore être serein aujourd'hui". Comme dans pas mal d'autres clubs, il a pourtant vu revenir des gens qui ne s'étaient plus affiliés depuis des années. "En partie parce que d'autres sports sont à l'arrêt je suppose", souligne-t-il. "On a un peu réduit la cotisation d'été et on est plus ou moins au même chiffre qu'à la fin de l'an passé, il y a un net regain de gens qui jouent, les terrains sont occupés de 9 h du matin à 9 h du soir, mais il ne faut pas oublier qu'on n'a pas de club house, pas de terrasse, pas de vestiaires, et que pouvoir organiser des stages d'été sera pour nous indispensable, même si ce doit être plus réglementé, avec moins de participants et moins de confort. A Bruxelles, et en général dans le Brabant, on a heureusement la chance de ne pas trop dépendre des interclubs pour les inscriptions, alors que dans d'autres régions les gens s'affilient à 90 % pour les jouer, l'incertitude actuelle y pèse donc plus sur les rentrées financières."
Une amende de 6.000 euros
C'est un peu le cas dans le Hainaut où Benoît Gérard, responsable des écoles de tennis au TC Lausprelle et à Fontaine-l'Evêque, indique que les cotisations dans les deux clubs ne sont rentrées qu'à moitié par rapport à l'an dernier. "Certains ne s'inscrivent effectivement qu'en fonction des interclubs, ils attendent un peu de voir, et ils ont peut-être d'autres priorités au mois d'août. Les clubs sont donc un peu sur la corde raide, mais les échos ne sont pas non plus catastrophiques, on gère en bon père de famille. A Fontaine c'est une ASBL, à Lausprelle c'est un privé, Philippe Chan, il voulait s'investir full time, il a postposé. Chacun fait ce qu'il faut pour survivre. On a relancé les cours, avec les gants pour distribuer les balles, les masques, le gel, et la police veille, elle passe quasi deux fois par jour. Les gérants de cafétérias perdent beaucoup, mais s'ils ouvrent quand même c'est pire, on a appris que du côté de Charleroi l'un d'entre eux s'était fait prendre avec dix/quinze personnes à l'intérieur, on parle d'une amende totale avoisinant 6.000 euros." Au TC du Bosquet, à Rosières, Valerie Voortman insiste : "On respecte les consignes du mieux qu'on peut. On ne comprend pas trop pourquoi les entraînements sont autorisés avec maximum 20 personnes alors qu'on ne peut toujours jouer en simple que contre deux adversaires différents, mais on voit bien qu'on marche sur des oeufs. Les meilleurs garants du respect des règles sur les courts tout au long de la journée ce sont encore les profs, ils ont tellement peur que cela "se referme" une nouvelle fois, leur gagne-pain en dépend. Sur notre site, on n'a d'ailleurs pas démonté la bulle, il fallait trop de monde, on n'aurait pu garantir la distanciation sociale. La grande majorité de nos affiliés se sont réinscrits, et l'annonce que l'on pouvait rejouer en double a contribué à décider les hésitants. On avait un petit bas de laine, pour remplacer la bulle justement, on n'a pas dû trop y toucher."
Courts "cadenassés"
Pour les clubs qui manquaient de ressources financières, refaire les terrains en brique pilée pour la saison estivale alors qu'on ne savait pas quand on pourrait rejouer représentait un investissement (environ 1500 euros par court si on fait appel à une société extérieure) sans garantie. Au Lambermont, "on l'a fait nous-mêmes", dit Gérard Médol, "tout le monde a été chouette sur le coup." Son de cloche semblable à Barvaux, "on a eu l'aide de gens motivés, ce qui a fait diminuer la facture." Un peu partout pour pouvoir jouer il faut forcément être membre du club. Et réserver. Par téléphone ou via internet. "On a limité à 1 h au lieu d'1 h 30 pour permettre à tout le monde d'avoir un créneau, et ceux qui avaient une affiliation pour le squash (à l'intérieur) peuvent jouer au tennis à la place", dit Murielle De Vree à Ciney, un club d'environ 300 membres directement touché par le virus, "on a eu des cas très sérieux, ils s'en sont bien sortis heureusement, mais aucune chance de les voir en interclubs cette saison. Je suis d'ailleurs dubitative à ce propos, faut-il refaire des équipes, les gens vont-ils s'inscrire, n'aura-t-on pas la deuxième vague dont tout le monde parle ?" A Braives, club plutôt convivial, 60 % des inscriptions sont rentrées mais on a trouvé le truc pour garantir l'occupation par des membres en règle : "On a trois terrains découverts, dont deux avec cadenas, et le troisième n'a pas été installé. Une dame bénévole possède la liste des membres qui sont en ordre, elle tient le planning des deux courts, les gens viennent chercher la clé et la ramènent. Ce n'est pas que l'on veut jouer au gendarme", dit le président Philippe Claeys, "mais on a des charges fixes à honorer, on a besoin des cotisations pour tenir en trésorerie. Qui plus est, notre tournoi a d'habitude lieu en juillet, ce sont nos seules rentrées, on peut le reporter lors d'une semaine d'août mais c'est la croix et la bannière pour trouver une date vu la concurrence dans la région. Pour le moment, le club n'est pas en danger, on verra où on en sera en fin d'été."
Indépendants
A Barvaux aussi on est privé de tournoi en juillet, et on a prévu d'ajouter des catégories à celui prévu en août. On n'a pas retrouvé non plus le niveau de cotisations des années précédentes (115 à 120 l'an passé, 12 à 13 équipes d'interclubs). "Cela commence à rentrer mais il arrive que les membres attendent le deuxième rappel", explique Daniel Henrotin, "et comme ils ne sont pas certains qu'il y aura des interclubs... Heureusement, on ne gamberge pas trop, le club n'est pas en difficulté, il a des réserves et aucun engagement financier, tout est payé. Les gens réservent, on a cinq terrains en plein air... sans cadenas jusqu'à présent, et je les trouve assez respectueux." Au risque de se répéter, les plus à plaindre sont évidemment les indépendants qui gèrent cafétérias, buvettes ou brasseries logés à la même enseigne que tous les établissements Horeca et dont le manque à gagner n'est plus à démontrer, il y a néanmoins pas mal de différences selon les endroits et situations, avec celles ou ceux qui ont d'autres occupations en parallèle, ou qui assurent la tâche en bénévole. "Chez nous, Romy, une dynamique jeune fille de 21 ans, s'est lancée dans son premier job, elle habite chez ses parents et a bénéficié du droit passerelle de l'Etat, disons que c'est un moindre mal", explique Gérard Médol au Lambermont. Reste que, pour tous, cela reste le gros point noir d'une reprise ensoleillée placée sous le signe du jeu. Jusqu'à quand ? C'est une bonne question.
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