Responsive menu

Le troisième Masters en quatre ans pour Joachim Gérard

"Je m'en savais capable, mais y arriver c'est encore autre chose !"

Ses premiers mots, par streaming en direct d'Orlando, ont été pour son entraîneur Marc Grandjean, marqué par la maladie mais qui a suivi de chez lui le parcours de son joueur avec une grande fierté. Joachim Gérard, numéro un belge du tennis en fauteuil roulant, joue pour deux depuis quelques mois, il ne le cache pas. Après avoir connu une période difficile qui l'a fait un moment sortir du crucial Top 7 mondial et manquer deux Grands Chelems, il s'est remis en selle et le voici de retour là où il doit être : quatrième mondial ce lundi et vainqueur d'une des plus prestigieuses compétitions de l'année, le Masters dont la formule semble lui convenir à merveille puisque c'est la troisième fois qu'il s'y impose en quatre ans (2015/16). Après une finale au Masters de double il y a une quinzaine, c'est ce qui s'appelle terminer en beauté une année qui n'avait pas commencé sous les mêmes auspices.

"Je joue parfois mieux qu'avant"

On doit décidément écrire que Joachim Gérard est l'homme du Masters ces dernières années, et le fait que l'édition 2018 ait été déplacée de Londres à Orlando n'a rien changé à l'affaire. Ayant entamé l'épreuve comme outsider en tant que 6e mondial, il s'est progressivement imposé en Floride à ses réputés adversaires, malgré une défaite en poule face à l'Argentin Gustavo Fernandez, 3e mondial, heureusement sans conséquence pour la qualification. Il a vraiment grandi dans le tournoi. Le niveau général du top 10 mondial étant sérieusement revu à la hausse, la performance n'en est que plus valorisante. "Je pense avoir retrouvé mon meilleur niveau, après un grand moment de doute l'année dernière, je joue même parfois mieux qu'avant mais la concurrence est plus rude, il faut se battre deux fois plus et continuer à évoluer", dit-il. La formule du Masters, qui commence en poules et non par des matches à élimination directe comme en Grand Chelem (il n'y a atteint qu'une fois la finale, à l'Australian Open 2016), semble mieux convenir à notre compatriote, elle permet d'encore corriger le tir en cas de défaite, on l'a vu ici. Pourtant, il reconnaît n'avoir pas toujours délivré son meilleur tennis dans ces poules durant la semaine, ou plutôt qu'en sortir lui a semblé paradoxalement plus difficile que les demi-finale et finale qui ont suivi. "J'ai bien joué contre Houdet (victoire en trois sets) et Fernandez (défaite en deux manches), cela a été plus chaotique contre Sanada (victoire en trois sets), mais à ce niveau c'est serré, rien n'est évident, il n'y a que de bons joueurs, tout le monde peut battre tout le monde, et l'essentiel est d'en sortir.

"J'ai gambergé à la fin du deuxième set"

En demi-finale, Joachim Gérard se retrouva face à son équipier du Masters de double, avec lequel il a manqué le titre de peu il y a une quinzaine (ils menaient 5-2 dans le troisième set de la finale), le Suédois Stefan Olsson, lequel avait remporté ses trois matches en poule face à Shingo Kunieda, Gordon Reid et Nicolas Peifer, excusez du peu. N'était-ce quand même pas un petit avantage pour Joachim d'affronter Olsson, 7e mondial, alors que les numéro un et trois mondiaux (Kunieda-Fernandez) en décousaient dans l'autre demi-finale ? "Selon certains, oui", sourit-il, "je connais forcément très bien Stefan, on s'entraîne souvent ensemble, mais c'est valable pour lui aussi. Peut-être que mentalement cela a pu tourner en ma faveur, mais il n'est jamais facile non plus d'affronter quelqu'un qu'on connaît bien." On va plutôt dire que, samedi, c'est avant tout l'impressionnant tennis pratiqué qui a fait gagner le Brabançon, les chiffres parlent d'eux-mêmes, il est d'ailleurs le seul dans le tournoi à avoir réalisé un score aussi net (6-1, 6-2) dans un contexte aussi relevé. Qui plus est, il a enchaîné sur sa lancée en finale, passant un autre 6-1 au premier set au Japonais Kunieda, numéro un mondial. S'il mena encore 2-0 en deuxième manche, la suite fut moins sereine, on craignit même de revivre un scénario comparable à celui de la finale du Masters de double, ce qui aurait été difficile à digérer. Joachim servit en effet pour le match à 5-4, mais manqua complètement sa cible, avant de rater également le tie-break qui suivit. "C'est clair, j'ai gambergé", convenait-il, "on ne sert pas tous les jours pour gagner un Masters. J'avais perdu pour la première fois mon service plus tôt dans le set en jouant avec le vent, c'était de nouveau le cas à 5-4, ça m'a tourné dans la tête, le stress aidant je n'étais plus assez "dedans"."

"Les gens disent que je mérite le top mondial"

Il n'y a pas si longtemps, Marc Grandjean a insisté ici sur le fait que son joueur "a le niveau des meilleurs, mais pas la constance, l'endurance mentale, il dit toujours qu'il a compris, mais il doit le montrer, pour lui, pour moi", et c'est là que ce qui est arrivé dimanche fait encore plus plaisir. Alors que, sur sa lancée, Kunieda prenait les commandes à 1-3 dans la manche décisive et que l'on craignait le pire, notre compatriote se ressaisit et se rebiffa. "Parce que je n'avais plus rien à perdre ? Je ne sais pas. Peut-être. J'ai en tout cas retrouvé cette lueur dans l'oeil, l'attitude du gagnant, et quasiment la qualité de jeu du premier set, pour aligner cinq jeux d'affilée, je suis assez content de ça." Au grand dam de l'impérial Nippon qui a remporté quinze des vingt affrontements entre les deux hommes sur le circuit, mais a perdu quatre fois lors de grands rendez-vous, aux Jeux paralympiques de Rio où Joachim a conquis la médaille de bronze, au Masters de 2015 où notre compatriote l'a battu en poule et en finale alors qu'il était invaincu depuis 77 matches, et donc ce dimanche en Floride. Vainqueur de l'Australian Open et de Roland Garros cette année, finaliste de l'US Open, Kunieda semble pourtant revenu proche du niveau qui lui a valu le surnom de "Federer du tennis en fauteuil". "Il est aussi fort qu'à sa belle époque, mais le circuit a changé pour lui aussi", estime Joachim Gérard, "on sait également qu'il peut être fébrile, se stresser un brin quand il est mené, il n'a pas l'habitude. J'ai joué mon jeu et frappé ma balle, les gens autour de moi disent que je mérite le top mondial et lors du Masters de double je sentais que le niveau était là. Je pensais en être capable, mais y arriver, revenir au pays avec un troisième trophée, c'est encore autre chose. Mon premier Masters en 2015, face à ce joueur réputé imbattable, était vraiment inattendu et la manière dont je l'ai gagné restera gravée dans ma mémoire, on a envie de revivre des moments comme ceux-là, comme d'accrocher un Grand Chelem d'ailleurs. Je sais qu'arriver à être de nouveau numéro deux mondial va être plus dur qu'avant, mais mon objectif a toujours été d'être un jour numéro un, et je vais tout donner pour ça." 

A peine le temps de savourer, de prendre une petite semaine de repos, et il sera déjà temps de préparer la rentrée 2019 en Australie. "Ce qui vient de se passer me motive d'autant plus pour la saison prochaine", conclut-il. 
 

Retour à la liste