Le BW Open finit en apothéose avec un super David Goffin
Il ne manquait qu'une victoire du numéro un belge, dimanche après-midi, pour que la réussite de la semaine tennistique de Louvain-la-Neuve soit complète. David Goffin a non seulement répondu à l'attente, s'imposant 6-4, 6-1, mais il l'a fait avec la manière lors d'une finale digne d'un ATP 250.
Leçon de tennis
S'il avait logiquement maîtrisé lors des tours précédents des joueurs (beaucoup) moins bien classés que lui, David Goffin n'avait pas toujours paru à l'aise, comme lors du premier set de la demi-finale contre Gauthier Onclin samedi. On pouvait donc se demander à quoi s'attendre en finale dimanche face à un 60e mondial aussi talentueux que le Suédois Mikael Ymer. Mais un match, un contexte, n'est pas l'autre, et c'est à une très bonne version du numéro un belge à laquelle on a cette fois eu droit, et par moments à du super Goffin qui a enchanté la salle du Blocry archi-comble. Tant que son adversaire a tenu la distance, on a même assisté à quelques points d'anthologie qui auraient fait le buzz dans les plus grands tournois. Bref, les 1000 privilégiés qui avaient trouvé place dans les travées (et tous les autres devant leur poste de télé) ont pu assister à une rencontre de très haut niveau. "Il m'a donné une leçon de tennis", allait jusqu'à déclarer Ymer, s'excusant en passant pour quelques attitudes sur le court pas toujours appropriées. "Je vous avais dit que cette semaine me faisait du bien, que je me sentais serein", rappelait le Liégeois, "je suis heureux d'avoir pu disputer mon meilleur match de la saison lors de cette finale. J'ai joué comme je dois le faire, avec du rythme, une haute intensité, une pression constante, en ne le laissant pas respirer, et contre un tel joueur ce n'était pas simple à mettre en place. Dans la tête, la clé c'est le premier set, où il y a eu de longs échanges. Après, il a un peu lâché. Mais il faut toujours rester concentré. Il peut avoir une attitude nonchalante, s'asseoir par terre au lieu d'aller sur sa chaise au changement de côté, et vous breaker dans la foulée. Pour celui qui n'a pas vu le match, le score peut paraître sévère, mais il ne reflète pas la réalité de la partie. J'ai dû batailler pour lui maintenir la tête sous l'eau."
Dur physiquement
"Gagner en Belgique, sentimentalement, cela fait deux fois plus plaisir", continuait le Liégeois, "je m'étais déjà imposé à l'Ethias Trophy (contre Steve Darcis en 2014, ndlr), il ne me reste plus qu'Anvers, et pourquoi pas cette année", souriait-il. Si cette victoire lui rapportera beaucoup moins d'argent, elle vaut en points ATP (125 exactement) entre un troisième et un quatrième tour à l'Open d'Australie. Beau bonus. "Pourtant, je vous jure que je ne pensais pas au ranking en venant ici, mais au nombre de matches que je pourrais jouer. C'est ce dont j'avais le plus besoin en ce moment", précisait-il. "Maintenant que j'ai gagné c'est bon à prendre (il progresse de neuf places et se retrouve 41e mondial, ndlr), mais le plus important c'est que la forme revienne. J'espère que ça va me donner confiance pour la Coupe Davis et la suite de la saison. Cela n'en avait peut-être pas l'air, mais cette semaine a été très dure physiquement pour moi, dans la foulée de l'Australie et de ses dix heures de décalage horaire, et avant la Corée où il y en aura de nouveau huit." David a ainsi raconté au micro de la RTBF qu'il essayait de rester éveillé durant certaines heures de la nuit pour ne pas être trop "décalé" cette semaine à Séoul. "C'est la dernière année de Johan (Van Herck) comme capitaine, et je ne jouerai plus dix ans, mais j'ai toujours eu énormément de motivation lorsque je joue en Coupe Davis", insistait-il, "j'ai envie de maintenir la Belgique parmi les grandes nations. Il se trouve que cela passe par ce déplacement lointain et difficile."
Sold out
"Je sais que ce genre de périple à travers les fuseaux horaires est le lot des joueurs de tennis professionnels", enchaînait Vincent Stavaux, un des deux directeurs du tournoi, "mais cela me rend quand même d'autant plus reconnaissant vis-à-vis de David qui a, en quelque sorte, sauvé notre tournoi. On nous a longtemps pris pour des fous, et je ne trahirai pas un lourd secret si je dis qu'il y a encore quelques semaines nous courions au devant d'un très gros déficit. Nous sommes même restés des semaines avec 74 places vendues. Nous n'avions pas les moyens d'une communication longue, nous avons dû tout concentrer après les fêtes, et l'annonce de la venue de notre numéro un a été la meilleure pub possible. Tout s'est enchaîné comme dans nos rêves les plus fous. Les planètes se sont alignées, et on a eu des gens tout le temps sur le site, y compris le premier jour des qualifications avec les jeunes Belges, Gulbis et Ymer, le futur finaliste, qui s'est présenté le samedi en dernière minute. A partir de mercredi, on a affiché "sold out" tous les soirs, avec les félicitations de l'ATP. Le superviseur n'avait jamais vu une première année comme ça. Sa seule remarque négative concerne la différence de surface entre les terrains d'entraînement (chez Justine) et ceux du tournoi. On devra en tenir compte." Quant au bilan financier, il faudra attendre que les organisateurs ne soient plus autant la tête dans le guidon pour le définir avec exactitude. "On a été tellement débordés", confirmait Christophe Dister, l'autre maître d'oeuvre du BW Open, "je dirais qu'à première vue, nous devrions être un peu au dessus ou en dessous de l'équilibre, un résultat que quantité de tournois n'atteignent qu'après trois ou quatre ans. On a eu une formidable finale à la TV. Les gens ont pu juger du niveau tennistique d'un tournoi comme le nôtre, et les sponsors qui nous ont fait confiance sont ravis, certains m'ont dit qu'ils étaient prêts à doubler ou tripler leur participation. Comptez sur moi pour ne pas faire de folies, mais ce n'est pas trop mal parti pour 2024 (sourire)."
Win win
Pour conclure, il est rare de voir un événement enfanté avec passion mais dans la difficulté dont tout le monde sorte ainsi vainqueur. Organisateurs, joueurs, spectateurs, c'est vraiment du win win. D'une part, David Goffin a fait d'une pierre trois coups, comblant le manque de l'Open d'Australie, retrouvant en finale le niveau que l'on attend de lui, et soignant, avec une souriante décontraction, son image auprès du public. D'autre part, le tournoi a atteint tous ses objectifs, à la fois financiers, ou peu s'en faut, alors que ce n'était vraiment pas gagné, et sportifs, servant au mieux la cause des joueurs belges qui se sont succédés au fil des tours depuis les qualifications. Certes, il n'y aura pas tous les ans une locomotive comme le Goffin de cette année. Mais il y a de l'avenir dans notre tennis - ce même dimanche un Belge (Alexander Blockx) a détrôné un autre Belge (Gilles Arnaud Bailly) à la première place mondiale juniors - et un BW Open comme celui que l'on vient de vivre y a toute sa place. On peut même penser que c'est une bénédiction. A l'année prochaine.
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