La rentrée au Tennis-Etudes AFT : "Une seule chose compte... réussir sa vie"
La traditionnelle réunion de rentrée, mardi soir, au Centre de formation AFT avait des allures de retrouvailles après les mois de restriction dus à la crise sanitaire. Responsables, parents, entraîneurs et joueurs ont en quelque sorte (re)fait connaissance, dans une ambiance à la fois sérieuse et conviviale.
Pour Solen Aerts et Louis Mouffe, 12 ans, qui non seulement intègrent le Centre en internat mais entament également un nouveau cycle scolaire en humanités, il s'agissait d'une découverte à la fois enthousiasmante et un peu impressionnante.
"Un niveau d'exigence plus élevé"
Au Centre Adeps de Mons, les jeunes espoirs de notre tennis ont retrouvé leur chambre d'étudiant qu'un petit rafraichissement sympa (et pas forcément coûteux) rendrait sans doute plus chaleureuse et accueillante, même si l'essentiel n'est pas là. Chez les plus jeunes, on a pu ressentir tout le bouleversement familial, teinté de fierté, que représentait un tel changement de vie. Très judicieusement, Steve Darcis, lui-même entré à cet âge au Centre encore balbutiant, et les membres du Team Pro, la plupart passés par Mons il y a peu, étaient également au rendez-vous, dans un véritable état d'esprit d'équipe. "Le constat que l'on fait le plus souvent chez les jeunes c'est que le niveau d'exigence n'est pas assez élevé", a ainsi prévenu notre ex-Mister Coupe Davis, s'adressant aux élèves du Tennis Etudes. "Je suis bien placé pour savoir tous les efforts qu'il faut faire pour être bon, à quel point le chemin est long, avec des moments où il vaut mieux savoir s'accrocher et rester positif. C'est le message que nous martelons au sein du Team Pro lorsqu'ils se rendent compte qu'ils sont seulement sur la ligne de départ et que le plus dur reste à faire, mais ce sera mieux pour vous si vous commencez dès maintenant. Vous avez été sélectionnés, c'est une belle récompense, la preuve que vous avez bien joué, que vous avez du potentiel. Si vous êtes là c'est qu'ici tout le monde croit en vous, c'est rien que du bonheur, mais votre niveau de jeu pour votre âge n'est pas tout, c'est l'intensité, l'envie, les efforts consentis qui feront la différence."
"On ne peut pas faire plus efficace"
L'occasion était également belle d'interroger la direction technique de l'AFT, à savoir Thierry Van Cleemput et Olivier Davin, sur l'outil que représente ce Tennis-Etudes pour la fédération. Educateurs dans l'âme, il sont à peu près intarissables sur le sujet.
Q. On sent que vous y croyez dur comme fer à ce Tennis-Etudes.
R. Pour au moins deux raisons. La première parce que c'est un... faux Tennis-Etudes. On s'explique. Dans la plupart des modules de ce type, c'est le sport qui est privilégié, et au niveau cursus scolaire il s'agit d'un enseignement de transition, qui ne laisse pas toutes les portes ouvertes pour l'avenir. Ici, ce n'est pas le cas. A l'Athénée Bervoets (100 enseignants, 1200 élèves), on accepte que nos jeunes aient un horaire adapté eu égard à leur activité tennistique, mais ils sont traités exactement comme les autres. Les profs sont même parfois étonnés de voir que leurs notes sont meilleures que celles d'élèves qui n'ont pas manqué un jour de classe. Nous sommes aussi exigeants que pour le tennis. C'est une école du comportement liée à la compétition. La dure réalité c'est qu'ils ne seront pas 10% à devenir professionnels, autonomes, capables de payer leur structure et de se maintenir à ce niveau, il importe donc de former d'abord des gens bien, si possible des gentle(wo)men, et de leur donner les moyens de réussir leur vie, tennis ou pas tennis. Quand on prend un peu de recul et qu'on regarde en arrière, on peut dire qu'on y arrive.
"On veut de vrais compétiteurs"
Q. Et la deuxième raison ?
R. Oui, la deuxième c'est que, dans une petite région, comparable à la Ligue des Flandres en France, on ne peut pas faire plus efficace pour former un joueur de tennis. On s'est remis en question, on a essayé d'autres choses, mais on en revient à ce qui a fonctionné par le passé avec Christophe, Olivier, Steve, Justine ou David, un internat qui correspond aux humanités à l'école. Les subsides que l'Adeps accorde nous permettent de travailler sérieusement avec des gens de qualité, médecin, éducateurs, kinés, préparateurs physiques et bien sûr entraîneurs.
Q. Avec un cahier de charges strict à respecter.
R. C'est normal, on parle d'argent public, il y a des critères et des objectifs auxquels nous devons nous conformer. L'Adeps veut des résultats, le cahier des charges nous impose d'essayer de sortir un joueur, donc notre boulot est à la fois de sélectionner et de décider ensuite si on continue ou pas. Dit ainsi cela peut paraître dur, mais encore une fois, dans une société qui m'inquiète, en manque de repères, où l'humain n'est plus au centre de quoi que ce soit, on insiste pour être et rester à taille humaine, on réfléchit, on s'adapte, on comprend, on défend, en fonction des âges, des priorités, des exigences physiques. Mais le fait est qu'on ne peut défendre quelqu'un dont le comportement n'évolue pas dans le bon sens, ni se contenter ici de gens qui aiment seulement gagner des matches. On veut de vrais compétiteurs, qui visent le niveau au-dessus, qui travaillent pour y arriver, qui se remettent en question, et si d'aventure ils atteignent leurs limites ce n'est pas pour autant qu'ils auront raté quoi que ce soit. On voit parfois leur tête changer quand on leur passe gentiment un savon (sourire), mais ils ne doivent pas s'en étonner, cela ne veut pas dire pas qu'on ne les aime pas, c'est juste qu'ils doivent arrêter de croire au Père Noël. On est là aussi pour les booster, les coacher, leur donner le niveau de référence, les mettre devant leur propre miroir.
"Le premier coach d'un jeune c'est le jeune lui-même"
Q. Le rôle des parents est évidemment crucial.
R. C'est le métier le plus difficile au monde, et je pars toujours du principe que les parents veulent le mieux pour leur enfant. Depuis le début de ma carrière, j'explique que le premier coach d'un jeune, c'est le jeune lui-même. Lorsqu'il doit gérer un match, qu'il pose un choix, qu'il prend une décision tactique, il se coache, c'est essentiel. Mais le deuxième, selon la sensibilité de l'enfant, est souvent la maman ou le papa, c'est inévitable. Ils connaissent leur enfant. Nous sommes là pour aider avec un maximum de compétence et de passion, pour expliquer, faire valoir le bon sens, s'assurer que tout le monde est sur la même longueur d'onde, mais on doit également laisser de l'autonomie aux gens et le jeune doit apprendre à voler de ses propres ailes. Les parents confient leurs enfants à un système. Ils y ont des avantages, mais doutes et déceptions se font jour quand les résultats ne suivent pas. Ils voient un score, un match, ils entendent leur enfant, ils croient savoir parce qu'ils l'ont lu sur internet, alors qu'il faut vivre à l'intérieur du projet au jour le jour, durant des mois, des années. Un jeune peut performer à l'entraînement et être inhibé en compétition, avoir des lacunes techniques qu'il peut masquer à l'entraînement et pas en match. Notre part du contrat c'est que le maximum doit être fait, pour ne pas avoir de regrets, et surtout sans faire souffrir les enfants.
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