David a étonné, Steve a tout donné
On peut dire que la saison 2019 a commencé de manière un peu inattendue. Qui aurait cru, en effet, que Steve Darcis, pour sa rentrée après treize mois d'absence et à 34 ans, se retrouverait d'emblée en demi-finale d'un tournoi ATP 250, ce qui ne lui était plus arrivé depuis six ans ? Ou que David Goffin remporterait un tournoi du même niveau... mais en double, spécialité dont tout le monde disait qu'elle n'était pas sa tasse de thé ?
Quand David Goffin, un manchon de compression aidant au maintien du bras droit, s'est incliné au premier tour du tournoi de Doha face à Ricardas Berankis lors du tie-break du troisième set, c'est évidemment un sentiment de déception, de morosité, voire même d'inquiétude, qui s'est répandu par ici, le fait que le Lituanien avait déjà précédemment donné du fil à retordre au Liégeois et les quelques échos positifs en provenance du Qatar n'y changeant rien. Quant à sa participation en double, même avec le super spécialiste qu'est Pierre-Hugues Herbert, elle faisait plutôt sourire tant prévalait l'idée que la discipline ne convient pas à son jeu, malgré sa qualité en retour. On se tracassait aussi de le voir arriver à Melbourne pour le premier Grand Chelem de l'année avec un seul match dans les jambes. Bien sûr, un double n'est pas un simple, mais en parvenant avec son ami français à remporter quatre rencontres d'affilée, lui qui n'en a gagné que sept dans toute sa carrière, David a su renverser la tendance et quitter Doha avec un feeling gagnant en compétition, doublé d'une meilleure confiance. Le duo franco-belge a ainsi défait Khachanov-Wawrinka, Mektic-Peya, les frères Djokovic en demi-finale après avoir sauvé trois balles de match, et les Hollandais de Coupe Davis Haase-Middelkoop, 17e paire mondiale l'an dernier, en finale, 10-4 au super tie-break. De quoi donner plus de regrets encore à certains qui repensent à la finale lilloise où David semblait intouchable et où il ne manquait qu'une victoire en double pour rentrer au pays avec la Coupe Davis ?
"C'est un truc spécial"
Une chose est sûre, il y a longtemps que l'on n'a plus vu David aussi souriant et détendu qu'après ce surprenant périple. "Gagner quatre matches de double dans la même semaine, c'est un rêve qui devient réalité", plaisantait-il. "En tout cas, c'est un truc spécial, il s'agit seulement du troisième tournoi que l'on jouait ensemble de notre vie, c'est enrichissant et je remercie Pierre-Hugues de m'avoir grandement aidé à accrocher ce premier titre, j'y ai pris beaucoup de plaisir, quand on joue avec un ami on a d'autant plus envie de faire le point pour lui. Quant à savoir si on remettra ça, pourquoi pas, mais c'est bien sûr le simple qui compte d'abord." Pour Herbert aussi d'ailleurs. Aujourd'hui aux portes du Top 50 mondial, le Français a battu Dominic Thiem à Doha, et veut essayer de monter le plus haut possible dans la hiérarchie. Vainqueur de trois Grands Chelems dans la discipline avec son équipier habituel Nicolas Mahut, il réduit dès lors la voilure en double à une dizaine de tournois depuis la saison dernière. On peut en tout cas dire que la complicité qu'il entretient avec Goffin, étendue aujourd'hui à leurs compagnes respectives, ne remonte pas à hier, Pierre-Hugues a d'ailleurs tenu à le faire savoir par réseaux sociaux interposés en postant une photo datant de 2008, année où ils avaient échoué en finale du double dans un tournoi juniors brésilien, le Banana Bowl, à côté de celle de 2018, avec comme légende : "La dernière fois que nous avons disputé une finale ensemble, nous avions été trop courts, essayons de faire mieux." Mission accomplie, et succès mérité.
"Battu pour chaque point"
Quand on joue, c'est pour gagner. Mais au fond de lui-même, en arrivant en Inde pour le Nouvel An, Steve Darcis était loin de se douter de ce qui l'attendait. Lors de l'ATP 250 de Pune, il est sorti vainqueur de matches serrés avec le 73e mondial Carballes Baena, le 45e Marek Jaziri, d'un marathon de plus de trois heures avec l'Américain Mmoh, avant de baisser pavillon en demi-finale devant le géant Ivo Karlovic, 39 ans, et sa puissance de feu au service, après avoir encore tout donné pour que cela n'arrive pas. Le Croate devient ainsi le joueur le plus âgé à atteindre une finale ATP depuis... Ken Rosewall en 1977, autant dire qu'il reste de la marge à notre compatriote. Trêve de plaisanterie, après une interruption de plus de treize mois pour son énième problème physique sérieux, cette fois au coude, Steve n'imaginait pas une seconde pouvoir réaliser une performance qu'il n'avait plus mise à son actif depuis 2012 et remonter en une semaine de la dernière à la 316e place mondiale. "Je savais que j'étais bien préparé, mais de là à imaginer ça, non, je pense avoir prouvé à toutes les mauvaises langues que je n'étais pas revenu sur le circuit pour l'argent, je suis très motivé, je pense m'être battu pour chaque point comme un mort de faim, même sans jouer mon meilleur tennis, je me suis accroché quand c'était dur." On peut en témoigner, il a aussi gagné au mental, à l'arraché parfois. "Je sais que cela ne va pas se passer comme ça dans tous les tournois, donc j'essaie de profiter."
"Mal partout"
En demi-finale, contre Karlovic, le Liégeois a ainsi supporté un déluge de feu, sous la forme de 33 aces. Il n'a pu forcer une seule balle de break lors du premier set, mais est allé jusqu'au tie-break (3-7), il a ensuite su saisir une de ses deux seules occasions de prendre le service adverse (Karlovic n'avait pas perdu une fois son engagement dans le tournoi !) pour remporter la deuxième manche (6-4). "J'ai fait un seul mauvais jeu de service sur le match, dans le troisième set (3-6), et je l'ai payé cash, c'est chouette non ? Vous savez ce Karlovic est un bien meilleur joueur que certains se l’imaginent. Non seulement, il sert remarquablement, mais il n’est pas mauvais du fond du court. Je suis parvenu à le breaker une fois, avec un peu de chance, mais quand on est un gars comme moi on n’a pas le droit à l’erreur contre un gars comme lui". Forcément, un tel parcours a laissé quelques traces dans son organisme, en quart de finale il a d'ailleurs fait appel au kiné entre les deux sets. Rien d'alarmant, espérons-le. "J'ai mal partout", avoue-t-il, "surtout au dos et aux abdos, mais j'ai pu enchaîner les matches, c'est un pas dans la bonne direction." Celle de l'Australian Open, puisqu'il a sagement fait l'impasse sur le Challenger de Canberra où il s'était inscrit au cas où il aurait besoin de matches. "Mon avion pour Melbourne décolle déjà cette nuit (celle de vendredi à samedi, 4 h 30, ndlr). Je vais voir comment je me sens, et m'adapter. Je n'ai aucune idée de la manière dont les choses vont se passer, et je n'ai pas d'objectif précis, si ce n'est prendre du plaisir. Si je gagne tant mieux, si je perds au premier tour c'est la vie."
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