David Goffin : "La Coupe Davis ? Refaire une phase finale ce serait chouette"
On espère et on attend un renouveau pour David Goffin lors de l'année 2022 qui s'annonce. Il sort probablement de la pire saison de sa carrière, alors que la précédente, martyrisée par la covid, n'avait guère mieux valu. En revanche, il n'a probablement jamais bénéficié d'une période de préparation hivernale aussi complète que celle-ci pour se refaire une santé. C'est au Centre Provincial de Tennis de Huy que nous l'avons rencontré lundi midi, avant ses premiers matches en exhibition à Caen, jeudi et vendredi.
On repart d'une page blanche
De genou mal en point en cheville abîmée, de course contre la montre en manque de confiance évident, David Goffin n'a remporté que quatre matches en 2021... en dehors des trois tournois qui l'ont vu évoluer à un bon niveau, demi-finale à Antalya début janvier, victoire à Montpellier fin février, quart de finale à Monte Carlo en avril. Il n'a pas gagné une rencontre en Grand Chelem, ce qui ne lui était plus arrivé depuis son avènement dans le gratin ATP. C'est donc peu dire que le "numéro un belge" (de tous les temps, ne l'oublions pas) aspire à montrer autre chose sur une scène mondiale où il a rétrogradé 39e tandis que de plus jeunes montrent les dents. On connaît la chanson, en forme de cercle vicieux : il faut des victoires pour retrouver la confiance, de la confiance pour retrouver les victoires, et du ressort face à l'adversité. A 31 ans, bénéficiant à présent de l'apport d'un coach mental, le jeune marié liégeois aborde en quelque sorte la deuxième partie de sa carrière, avec des doutes qui mettront un peu de temps à s'évacuer, ou pas, mais aussi nourri de la conviction qu'elle peut encore être belle. Quant à son physique et à son tennis, tout s'annonce en ordre, sans le moindre bobo. On repart d'une page blanche, ce qui n'a plus été le cas depuis longtemps.
De Valence à Ténérife, de Ferrer à Monfils...
Q. David, on vous attendait à Valence pour un deuxième stage chez David Ferrer, finalement vous avez atterri à Ténérife...
R. On a changé de direction la veille du départ. David (Ferrer), pris par ses obligations et une fête familiale, ne pouvait m'accorder que deux jours. C'était aussi plus difficile d'y trouver des partenaires d'entraînement. J'ai appelé Gaël (Monfils) et Gunther (Bresnik, son coach) qui étaient à Ténérife avec de bons joueurs comme l'Autrichien Dennis Novak. Tout s'est bien agencé, dix jours top qui m'ont fait du bien, deux séances par jour. On a remis du volume et de l'intensité petit à petit. J'arrive tout doucement à mon meilleur niveau à l'entraînement. J'aspire à jouer un match ou deux à Caen (sans doute contre Lucas Pouille jeudi et peut-être Ugo Humbert vendredi, ndlr) pour retrouver mes repères.
Q. C'est la première fois que vous vous entraînez l'hiver en dehors de Monaco ou de la Belgique, non?
R. On avait beaucoup de temps, on voulait pouvoir jouer à l'extérieur et au soleil. A Monaco, les meilleurs n'avaient pas fini leur saison, ou étaient en vacances. Lorsqu'il jouait encore, Germain (Gigounon, son coach) a passé un an et demi en Espagne, notamment chez David Ferrer qu'il connaît bien. J'ai affronté David sur le circuit, chaque fois des matches durs, longs, et je ne l'ai jamais battu (sourire). Je l'ai ensuite côtoyé à Monaco quand il entraînait Zverev. C'est assez mon genre de personne, d'une incroyable humilité. J'avais envie de mieux le connaître et aussi de savoir ce qu'il pensait de moi avec un oeil d'entraîneur. Il aime bien ma manière de jouer, on a un peu le même gabarit, et il est passé du Top 50 au Top 10, jouant une finale de Grand Chelem (Roland Garros... à 31 ans, ndlr) et remportant des Masters 1000, une fois la trentaine et une certaine maturité atteintes. J'ai appris beaucoup.
"Je n'ai pas 39 ans, je ne suis pas sur les rotules"
Q. Vous n'avez pas vécu beaucoup de saisons comme celle-ci. Quand on gagne si peu de matches, cela finit par jouer dans la tête.
R. C'est clair, on n'est pas du tout dans le rythme, on attend de longues périodes sans matches qui deviennent tous difficiles, la confiance n'est pas là. Il était important que je coupe en septembre, pas seulement sur le plan physique mais pour essayer de me reconstruire. L'année n'avait pas mal commencé (350 points ATP amassés fin février, 375 lors des sept mois suivants, ndlr), j'ai gagné le tournoi de Montpellier, plus tard j'ai battu Zverev à Monte Carlo. Mais j'ai passé ensuite des semaines à essayer de récupérer le genou, la cheville, j'avais mal, pas mal, j'étais plus focalisé là-dessus que sur le tennis. On essayait de revenir en allant très vite, très fort, mais ce n'était pas un travail de fond, pas de la bonne musculation, j'avais même perdu un peu dans les cuisses. C'était le moment de passer à une vraie rééducation. Maintenant c'est réglé.
Q. Vous jetez un oeil de temps en temps sur des vidéos de vos matches de 2017, pour voir comment vous jouiez, où vous vous situiez sur le court ?
R. Parfois, oui, sur l'un ou l'autre sujet bien précis, mais pas trop. Cela ne sert à rien de regarder derrière, ce qui compte c'est trouver des solutions aujourd'hui. C'est vrai pour tous les joueurs, on n'est plus les mêmes qu'il y a quatre ans, tout le monde adapte son jeu, même Federer l'a fait. On évolue par rapport aux autres aussi, le tennis est devenu très physique, on frappe très fort, mais il est vrai que je dois plus que jamais jouer sur mes qualités, comme je l'ai fait vraiment bien en 2017, et encore plus imposer mon jeu si je ne veux pas être débordé par la puissance de certains. Je pense vraiment pouvoir encore revenir à mon meilleur classement, en utilisant l'expérience que j'ai acquise. Je n'ai pas 39 ans, je ne suis pas sur les rotules mais dans une tranche de ma carrière où il y aura des opportunités à saisir.
"Les "extraterrestres" vont laisser un vide énorme"
Q. Vous avez suivi les matches sur le circuit depuis que vous l'avez quitté ?
R. J'ai suivi... mais pas regardé, à part un peu le Masters. A quoi je m'attends en 2022 ? Le niveau est tellement haut qu'il y a beaucoup de prétendants à de gros résultats. Avant, la différence était grande entre le Top 30 et le Top 100, ce n'est plus le cas. Il faut bien profiter de l'année qui vient et peut-être de celle qui suit, tant que tout le monde est encore là, jeunes et moins jeunes. Lorsque les trois "extra-terrestres" ne joueront plus, ça va laisser un vide énorme... les plus grands de tous les temps en une seule génération c'est de l'ordre de l'inaccessible. Mais la vie est ainsi faite, d'autres sports vont bientôt perdre des légendes, Messi, Ronaldo, Hamilton...
Q. Vous pensez que le trio magique pourrait rester à égalité pour l'éternité, à vingt Grands Chelems chacun, comme certains l'ont prédit sous le coup des quelques échecs de Djokovic en vue du but ?
R. C'est possible. Mais c'est aussi relatif. Djoko est toujours très bien, et certainement capable d'en gagner un de plus pour être au dessus de tout le monde. La différence c'est que quelques gars ont encore passé un cap, et qu'il doit faire avec. Lorsqu'il a sorti Zverev en demi-finale et qu'il doit se farçir Medvedev en finale ce n'est pas simple. Nadal à Roland ? Pourquoi pas, mais c'est de plus en plus dur pour lui physiquement. Cette année, il a eu son problème au pied, et il avait l'air plus entamé que Djoko.
"La Coupe Davis dans un coin de la tête depuis un moment"
Q. Et maintenant, au delà de Caen, quel est le programme ? Y aura-t-il de la place pour un match de Coupe Davis début mars ?
R. On part pour l'Australie le 27 décembre, en charter de l'organisation, avec des sièges spécialement séparés, c'est plus sûr. On a toujours la hantise du test positif et de la quarantaine. Ensuite, je joue Melbourne, Sydney, l'Australian Open, retour à Montpellier/ On doit encore voir pour Doha et Dubaï, puis il y aura Indian Wells... mais effectivement, dans l'intervalle, la Coupe Davis me trotte depuis un moment dans un coin de la tête. Cela fait deux ou trois ans que je ne l'ai pas jouée, et, là, ça se met plutôt bien, d'autant que le tirage au sort ne nous a pas envoyé au bout du monde. Attention, un déplacement en Finlande ce n'est pas facile. Ils ont de bons joueurs, mais c'est jouable, avec le double et Zizou (Bergs) qui peut bien faire sur surface rapide. C'est un jeune avec du potentiel, je trouve ça intéressant. Je n'en ai pas encore parlé avec Johan (Van Herck, le capitaine), mais pourquoi ne pas refaire une phase finale, même si ce n'est plus la même Coupe Davis, ce serait chouette.
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