Avec David et Elise l'avenir sourit de nouveau au tennis belge
L'épopée d'Elise Mertens à l'Open d'Australie a fait opportunément oublier la déception causée par l'élimination de David Goffin dès le deuxième tour. Au delà de cette magnifique place de demi-finaliste en Grand Chelem, qu'outre Justine et Kim, Yanina Wickmayer et Kirsten Flipkens avaient déjà atteinte dans le passé récent, ce sont les promesses d'avenir que nos deux "numéro un" ont fait miroiter, en fin de saison dernière pour l'un, en ce début d'année pour l'autre, qui laissent augurer de nouvelles belles années pour notre tennis.
Lorsque Justine, puis Kim ont raccroché la raquette, le tennis a clairement perdu de son aura dans le grand public belge. Quels que soient leurs mérites, celles ou ceux qui arrivaient n'avaient aucune chance de soutenir la comparaison avec l'espèce d'absolu que représentaient nos championnes d'exception, lauréates de onze Grands Chelems à elles deux. D'ailleurs, sur le circuit féminin, le phénomène Serena excepté, on leur cherche toujours en vain de véritables successeurs (peut-on dire successeuses ?). David Goffin, dont on ne doit plus vanter les mérites ici, a mis d'autant plus de temps à convaincre le plus grand nombre du formidable niveau qui était le sien dans le contexte éminemment plus relevé du tennis masculin. Depuis la fin de saison dernière - et ce qui est arrivé à Melbourne, conséquence pour une part des invraisemblables efforts consentis jusque fin novembre 2017, n'y change rien, personne ne peut tout gagner -, tout le monde a heureusement compris. Dieu sait si le Liégeois l'a mérité.
Tant de points de comparaison
Comme à l'époque de Justine et Kim, il ne lui manquait qu'un(e) alter ego pour compléter le tableau - et accessoirement supporter la pression avec lui. Il (elle) est encore venu(e) du Limbourg. En la personne d'une jeune fille qui, à quatre ans d'intervalle, présente tellement de points communs avec David qu'on en reste confondus. Tout le monde est bien sûr différent, mais on retrouve chez Elise Mertens le même côté introverti, voire timide, dépourvu de la moindre prétention dans la vie, et le caractère, la force intérieure, des champions sur le court. Si on parle tennis, au départ, leur point fort à tous les deux est le revers à deux mains, et leur chantier principal concerne le coup droit, celui qui dicte le jeu. Tous deux ont progressé dans tous les domaines, notamment au service, et la variété de leur registre - l'école belge ? - contraste avec le "tout en puissance" qui prévaut dans le tennis actuel. Physiquement et tennistiquement, l'une comme l'autre ne ménagent pas leurs efforts, dans la plus grande rigueur et exigence professionnelles, cherchant à aller jusqu'au bout d'eux-mêmes sans se mettre de limites.
Quel exemple !
Il ne faut plus rappeler ici les éloges flatteurs émis tous azymuts à l'égard de David fin 2017. A un échelon à peine moindre, Elise y a eu droit à son tour lors de cet Open d'Australie. De Wim Fissette au père de Caroline Wozniacki en passant par Patrick Mouratoglou et Marion Bartoli, ils sont nombreux à avoir prédit que l'on entendrait encore parler de la "nouvelle petite Belge" que tous ceux-là voient un jour atteindre la finale de Grand Chelem qui s'est refusée à elle jeudi. Il faut bien sûr voir ce qu'il en sera lorsque le "soufflé" sera un peu retombé, si on ose dire, parce qu'elle ne va pas chaque semaine aligner les "perfs" comme les perles d'un collier, désormais on va l'attendre, tout le monde la connaît, mais elle a tellement progressé en si peu de temps, notamment dans son jeu d'attaque, dans sa couverture de terrain - un exemple pour tant de jeunes se réfugiant, comme elle longtemps, dans le confort "défensif", quelle métamorphose ! -, et c'est une telle battante, qu'elle ne peut que devenir encore meilleure dans les années à venir. Bref, notre tennis peut compter à nouveau sur deux socles, de vrais modèles d'une grande humilité, dont tous les aspirants pros, au nord comme au sud, doivent s'inspirer, s'imprégner, car cette fois il faut en tirer profit. Ne l'oublions pas, aucun des deux n'était présenté comme une future "star" chez les jeunes, au contraire de Justine et Kim en leur temps.
Rattrapée par la fatigue
Or donc, à Melbourne, Elise Mertens n'est pas parvenue à aller au bout de son rêve. La marche était-elle trop haute ? On ne le jurera pas, même si Caroline Wozniacki, victorieuse de cette demi-finale 6-3, 7-6 (2), joue pour l'heure en véritable numéro deux mondiale, service, revers, coups de fond de court, elle est peut-être meilleure qu'elle ne l'a jamais été. Les deux premières du ranking WTA en finale, avec la place de numéro 1 pour enjeu, ce n'est pas si fréquent sur le circuit féminin. Pour la première fois, notre compatriote a sans doute payé la somme d'efforts consentie depuis début janvier. Si elle avait joué au niveau de son quart de finale, que serait-il advenu ? On ne le saura jamais. Il faut bien dire aussi que Wozniacki s'est montrée plus performante que Svitolina deux jours plus tôt. La Danoise, qui n'avait pas oublié que Li Na l'avait privée de la même finale en 2011 alors qu'elle avait eu balle de match, a néanmoins connu son moment de faiblesse en servant pour le match à 5-4, 30-0. "Cela m'a traversé l'esprit, j'y ai repensé forcément, j'avais les jambes qui tremblaient, je me suis seulement relâchée quand... je me suis dit qu'il y aurait un 3e set", reconnaissait-elle. Entretemps, Elise en a profité pour renverser complètement la vapeur comme elle sait le faire, menant 6-5, 15-40, deux balles de set. "J'aurais aimé une troisième manche, mais Caroline s'est remise à très bien jouer, sur ce match elle était meilleure que moi", concluait la Limbourgeoise. "Je me suis battue jusqu'au bout mais je manquais un peu d'énergie. D'où un sentiment mitigé, je voulais plus, sauf qu'on ne fait pas toujours ce qu'on veut. Je ne suis pas triste. Je suis fière. Surtout du niveau de mon quart de finale, et d'avoir remonté 5-0 contre Gavrilova au deuxième tour. Je suis 20e mondiale, je n'ai pas trop de points à défendre, je vais être tête de série dans les tournois, mais cela ne change fondamentalement rien pour moi, je veux toujours aller plus loin. J'ai joué et gagné beaucoup de matches... cela m'a permis de mieux voir les points qu'il faut encore travailler dans mon jeu." Avec une mentalité pareille, on n'a effectivement pas fini d'en entendre parler.
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