ATP Cup : ce n'est pas Nadal mais Goffin qui a été "monstrueux"
Il n'y a que dans des rencontres comme celles-là, genre... Coupe Davis pour faire court, que l'on peut passer en trois heures de l'euphorie la plus enivrante à la désillusion la plus cruelle. Le quart de finale Belgique-Espagne de l'ATP Cup s'annonçait pourtant couru d'avance, pas un bookmaker de Sydney ne misait nos compatriotes gagnants. Et pourtant, après la sublime victoire de Goffin sur Nadal (en deux sets s'il vous plaît), on est passé à deux balles d'un exploit monumental lors du double décisif. Dur dur, cruel même, mais avant tout... bravo les gars !
Faire plier l'impliable
Pour ce quart de finale, le capitaine Steve Darcis a cédé la place à Kimmer Coppejans comme deuxième joueur belge. L'occasion pour l'Ostendais de vérifier en compétition la qualité d'une préparation aux qualifications de l'Open d'Australie comme il a rarement pu en vivre. De toute manière, notre numéro 2, quel qu'il soit, n'avait guère de chance d'inquiéter l'Espagnol Bautista Agut - rival direct de David Goffin au ranking mondial - au point de pouvoir le battre, et si Kimmer a perdu (1-6, 4-6) il n'a pas à rougir de sa réplique, il a même mené 3-0 au début du deuxième set. Qui pensait vraiment, après ça, que David Goffin égaliserait pour la Belgique alors que le numéro un mondial allait entrer en scène pour les Espagnols qui n'avaient plus besoin que d'un point pour se qualifier ? C'était du 100 contre 1. On a bien vu de suite qu'on avait à faire au même Goffin que deux jours plus tôt face à Dimitrov, mais encore fallait-il sur la longueur faire plier l'impliable, celui qui, depuis 2004, avait remporté tous ses matches disputés sous le maillot espagnol.
"Pas facile nerveusement"
Lors de leur dernier affrontement, à Roland Garros, David avait été le seul avec Dominic Thiem à prendre un set au Majorquin, il savait qu'il lui fallait être ultra-agressif quitte à prendre un risque et à rater. Grâce à son très haut niveau de jeu, un engagement, une agressivité de tous les instants et une grande précision, le plan s'est déroulé sans accroc jusqu'à la moitié du deuxième set, moment où, à 6-4, 4-2 il s'octroya deux balles de double break pour s'offrir l'occasion de servir pour le match, il ne les saisit pas et se retrouva du coup en face du Rafa version irréductible qui vous repousse derrière votre ligne, capable de renverser toutes les situations. On a pu craindre alors que le match ne bascule, mais comme face à Dimitrov mercredi - ce ne fut pas toujours le cas par le passé contre des caïds de ce niveau, signe d'une nouvelle avancée ? - le Liégeois n'a rien lâché, accrochant le tie-break pour y finir la course en tête (6-2, 7-3). "Monstrueux", lâchait le capitaine Darcis. De quoi être particulièrement fier en tout état de cause, et d'excellent augure pour commencer la saison, juste avant l'Open d'Australie. "Le match contre Grigor (Dimitrov, deux jours plus tôt) y est sans doute pour quelque chose", reconnaissait-il, "il m'a donné confiance, j'étais prêt pour le combat, du premier au dernier point, ce n'était pas facile nerveusement, avec un set puis un break d'avance, il fallait tenir sous pression, ce que j'ai su faire, j'ai dû me battre pour conserver mon service à la fin du deuxième set, mais j'ai joué ensuite un excellent tie-break."
"S'il a le temps vous êtes mort"
"Je voulais être constamment à l'intérieur du court afin de dicter le jeu, de prendre la balle un peu plus tôt, d'essayer d'utiliser sa puissance pour jouer vite et le faire courir", continuait Goffin, "c'était à lui de trouver des solutions, et il les a trouvées le plus souvent, mais j'ai continué à aller de l'avant, je crois qu'aujourd'hui Rafa n'a pas pu jouer deux ou trois coups droits d'affilée et me balader. S'il a le temps, si c'est lui qui dirige et que c'est vous qui courez, vous êtes mort." Et d'avouer s'inspirer d'un certain Novak Djokovic en la circonstance. "Il prend aussi la balle tôt, il bouge bien, il a un revers à deux mains, j’essaie d’absorber les frappes de Rafa et de changer souvent de direction, comme Novak peut le faire. Mais Novak, c’est Novak. Il est super solide. Et moi, c’est moi. J'essaie de faire le maximum." Outre un gain financier conséquent, cette formidable prestation rapporte à David quelques 120 points ATP supplémentaires et lui permet de consolider sa 10e place mondiale virtuelle, mais elle ouvrait aussi de nouvelles perspectives à l'équipe belge, celle de conquérir, via un double décisif, une place inespérée dans le dernier carré mondial. On y est presque arrivé. C'est comme ça qu'on apprend le haut niveau, mais on comprend l'amère déception de la paire Sander Gillé/Joran Vliegen qui a, elle aussi, touché du doigt le nirvana mais sans pouvoir conclure.
Pour quelques millimètres
C'est peu dire qu'on y a cru quand nos compatriotes ont remporté la première manche face au duo Carreno Busta/Nadal poussé dans les cordes, ça s'est joué au tie-break, après qu'ils aient d'abord sauvé une balle de set. Dans une partie acharnée sans la moindre balle de break jusque là, ce sont eux qui se procurèrent les (deux) premières, à 4-3 dans le deuxième set, ce qui aurait pu leur permettre de servir pour le gain de la rencontre. Sur la seconde, Vliegen frappa un retour de revers qui manqua la ligne pour quelques millimètres, "challenge" à l'appui. Un tournant puisque trois jeux plus tard, c'est l'Espagne qui réussissait le break grâce à l'utilisation de la vidéo... la raquette de Joran ayant dépassé le filet au moment de frapper son smash. La rencontre se décida donc au super tie-break. Jusqu'à 4-4, les deux équipes remportèrent tous leurs engagements, moment choisi par Nadal pour réussir un passing gagnant en coup droit. Après avoir démarré par trois aces sur leurs quatre premiers services, nos compatriotes craquèrent et commirent deux doubles fautes, une à 7-5 pour les Espagnols, l'autre sur la troisième balle de match à 9-7. L'expérience du top niveau avait sans doute parlé, mais que c'était difficile à avaler !
De l'eau dans les tennis
Comme prévu, c'est donc l'Espagne qui disputera les demi-finales contre l'Australie ce samedi matin (8 h 30 heure belge, TV en direct Voo Sport) après en avoir eu plein les tennis... au sens propre comme au sens figuré. Sous le toit de la Ken Rosewall Arena, il faisait encore 30 degrés et une humidité folle sur le coup de 20 h 30. Un moment, on a vu David Goffin changer de chaussures en même temps que de côté. "L'eau sortait de mes chaussures", expliquait-il, "il y en avait aussi un peu sur les deux lignes de fond, on transpirait pas mal, assurer la prise sur le grip du manche de raquette n'était pas évident, c'étaient les conditions de jeu, il fallait faire avec." Les Espagnols, eux, ne rigolaient pas, on avait vu Nadal suer comme jamais, notamment au premier set. "J'ai souffert physiquement aujourd'hui", reconnaissait-il, "l'adversaire a joué à un très haut niveau, mais je n'arrive vraiment pas à comprendre pourquoi ils (les organisateurs) n'ont pas fait fonctionner le ventilateur dès le premier set." Il faut dire que l'armada ibérique n'est pas gâtée par les circonstances. Elle a en effet disputé la phase de poules à Perth, et n'a pu rallier Sydney que tardivement, avec un voyage de plus de 3000 kms, un décalage horaire de trois heures et des conditions climatiques différentes à digérer, alors que les Belges, par exemple, y étaient depuis dix jours. La rencontre face à nos compatriotes s'étant terminée à une heure du matin (locale), Nadal et les siens se retrouveront à peine 17 h 30 plus tard face à l'Australie de De Minaur et Kyrgios dans l'ambiance que l'on devine. Ils avaient déjà été soumis à un drôle de régime à Madrid où ils avaient quand même gagné la Coupe Davis, mais ils étaient chez eux. "En attendant, on est toujours là", grinçait Rafa l'oeil noir.
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